Dans un des faubourgs de Kinshasa, le 20 décembre. | EDUARDO SOTERAS / AFP

Editorial du « Monde ». Silencieux, enfermé dans sa tour d’ivoire, comme à son habitude, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, vient à nouveau de démontrer qu’il n’hésitera jamais à faire tirer sur des manifestants désarmés pour conserver son pouvoir.

Lundi 19 et mardi 20 décembre, ce sont plusieurs dizaines de personnes – vingt-neuf, selon l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch – qui sont tombées sous les balles des forces de sécurité. En septembre déjà, cent autres Congolais, qui manifestaient contre la détermination du président Kabila à demeurer sur son siège, avaient subi le même sort. Quelques mois plus tôt, on avait déploré un bilan plus lourd encore dans les rues de Kinshasa, mobilisées pour la même raison.

Catapulté au pouvoir en 2001 à l’âge de 29 ans après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré, Joseph Kabila ne donne aucunement l’impression qu’il est disposé à lâcher le pouvoir. La Constitution lui interdit-elle de briguer un troisième mandat ? Le président gagne du temps face à une opposition divisée menée par un chef vieillissant. Grâce au soutien d’un parti présidentiel aux ordres, d’une Cour constitutionnelle sous influence, et grâce à l’appui d’une frange minoritaire de l’opposition, Kabila a fait réécrire le calendrier électoral : le scrutin présidentiel a été repoussé à 2018, alors que son mandat s’est terminé ce 19 décembre.

La RDC est cet immense pays d’Afrique centrale, peuplé de quelque 70 millions d’habitants, pour la plupart misérables alors que le sol et le sous-sol congolais regorgent de richesses. Kabila est d’abord préoccupé de sa survie politique. Il a nommé cette semaine un nouveau gouvernement, sans se soucier du dialogue politique avec l’opposition mené sous l’égide de l’Eglise catholique. C’est pour protester contre un tel déni démocratique, exacerbé par une pauvreté endémique, que les Congolais ont marché dans les rues de la capitale armés de cailloux face à une police et à une garde présidentielle armées jusqu’aux dents.

Qui peut gouverner cet immense pays ?

Les Congolais doivent se sentir bien seuls. Jusqu’à présent, les quelques sanctions ciblées prises par l’ONU, les Etats-Unis ou l’Union européenne à l’encontre d’une poignée de personnalités de son entourage n’ont pas fait plier le président Kabila. On ne saurait lui donner tort. Ces derniers mois, pour ne parler que de cette partie du continent noir, les « hold-up » électoraux organisés par les régimes en place au Gabon et au Congo-Brazzaville sont passés comme lettres à la poste. Au Cameroun, Paul Biya affiche trente-quatre années de pouvoir.

Paris, notamment, préfère détourner les yeux. L’Union européenne aussi, qui aide la RDC. Mais, en toile de fond de ces événements tragiques, il y a, toujours, la même question : qui peut gouverner cet immense pays ? Et comment ?

Il n’est pas impossible que Kabila parvienne à rétablir le calme par la force à Kinshasa et dans les villes de province en ébullition. Mais pour combien de temps ? Les aspirations démocratiques, la lassitude vis-à-vis d’un régime corrompu et prévaricateur, comme vient de le démontrer une enquête de l’agence Bloomberg, le désespoir social ne sont pas les seuls carburants alimentant la contestation. Dans ce pays secoué par des guerres d’une horreur indicible dans les années 1990, des groupes armés se réveillent et aggravent le chaos auquel semble abonnée une RDC qui ne parvient décidément pas à décoller. Triste Congo.