Après avoir fui la Tunisie et une condamnation pour « outrage à policier », le rappeur Weld El 15 est désormais sous la menace d’une procédure d’expulsion en France. La préfecture d’Ille-et-Vilaine a fait appel, jeudi 22 décembre, d’une décision de la justice administrative favorable au rappeur tunisien. Les autorités françaises ont notamment mis en avant des liens avec un autre chanteur, qui a rejoint la mouvance djihadiste.

Installé à Saint-Malo, Weld El 15 - de son vrai nom Alaa Edine Yacoubi - avait, dans un premier temps, obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Rennes en juillet dernier. Les juges avaient ordonné à l’Etat de lui accorder le titre de séjour qu’il attend depuis huit mois.

Ami d’un djihadiste de l’EI

Mais la préfecture veut aller au bout de la procédure d’expulsion à l’encontre du rappeur, en raison de ses liens d’amitié avec un ex-membre de son groupe, dit Emino, qui a rejoint l’Etat islamique. Passé par la Libye et la Syrie, Emino serait mort au combat à Mossoul (Irak), en novembre dernier, d’après la presse tunisienne.

Le rappeur Weld El 15, en compagnie de son acolyte Emino, à Tunis, le 13 juin 2013. | FETHI BELAID / AFP

La préfecture d’Ille-et-Vilaine invoque un « comportement d’ensemble » constitutif d’« une menace pour l’ordre public » : outre ses liens d’amitié avec Emino, son acolyte chanteur qui avait rejoint l’Etat islamique, elle met en avant des « violences conjugales » et de « consommation de cannabis », que le rappeur ne conteste pas. La cour administrative d’appel a mis sa décision en délibéré et doit rendre son arrêt sous deux à trois semaines.

Victime de la « loi 52 »

Weld El 15 avait été nominé en 2014 pour le prix Sakharov après ses démêlés avec la justice tunisienne qui l’avait condamné à deux ans de prison ferme en 2013 pour avoir « outragé » la police dans une de ses chansons. La peine avait ensuite été réduite à six mois avec sursis, mais la procédure n’est pas close. Il risque donc de retourner en prison, s’il est expulsé en Tunisie.

La chanson qui l’a rendu célèbre est celle qui lui a valu ces ennuis avec la police. Elle a pour titre Boulicia Kleb (« les policiers sont des chiens »), produit d’un séjour en prison de neuf mois pour consommation de cannabis, en 2012.

Même après la révolution qui a mis fin au pouvoir policier du président Ben Ali, la « loi 52 » - en référence à l’article du code pénal tunisien qui réprime la consommation de drogue - pèse comme une « une épée de Damoclès permanente », selon l’expression d’Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch (HRW). Cette situation alimente le ressentiment d’une partie de la jeunesse et entretient sa défiance vis-à-vis de la police.