Avec la fin constitutionnelle du mandat de Joseph Kabila et la grave crise qui agite ces dernières semaines la République Démocratique du Congo (RDC), on peut craindre que la promesse du président congolais de fournir de l’électricité à tous les habitants reste lettre morte.

A peine 16 % de la population dispose d’un accès à l’électricité, issue à 99 % de l’hydroélectricité. Les matières organiques, utilisées comme combustible, représentent la principale source d’énergie pour cuisiner et se chauffer.

Le secteur de l’énergie joue un rôle essentiel pour l’évolution économique de la RDC et l’amélioration des conditions de vie de la population. Quelles sont les pistes pour le développer ?

Miser sur les énergies renouvelables

Des projets de taille modeste autour des énergies renouvelables sont susceptibles aujourd’hui d’accroître de façon significative l’électricité disponible.

Ces projets peuvent permettre d’augmenter l’accès à l’électricité pour les Congolais, particulièrement dans les zones rurales. Ces dispositifs, de petites unités générant moins d’1 MW, n’ont en effet pas besoin d’être connectés au réseau de distribution national ; ils peuvent donc être développés rapidement pour répondre aux besoins locaux.

À Gemena par exemple, un projet pilote a permis la mise en place d’une unité de production locale à base de biocarburant, issu de matières végétales, pour alimenter en électricité le réseau local. Ce système fournit aujourd’hui de l’électricité en continu à 72 ménages.

Ces projets de petite envergure, particulièrement flexibles, sont bien adaptés aux conditions en RDC, où le territoire est très étendu, avec un taux d’accès à l’électricité dans les zones rurales d’à peine 6 %, soit parmi les plus faibles du monde. Dans ce contexte, étendre la couverture du réseau électrique national, alors que les lignes électriques sont peu nombreuses et disparates, risquerait de prendre des décennies et nécessiterait des investissements massifs.

Les unités de petite taille à partir de sources d’énergie renouvelable paraissent bien plus viables.

Des projets mais peu de réalisations

Le plan de développement quinquennal de Kabila s’attardait sur cinq priorités : les infrastructures, l’emploi, l’éducation, les services et la santé. Accroître l’accès à l’électricité et assurer un approvisionnement stable au secteur industriel congolais figuraient parmi ces priorités. Réhabiliter les unités de production hydroélectriques et en construire de nouvelles à partir du potentiel inachevé du fleuve Congo étaient également au cœur des intentions politiques nationales.

Mais peu de choses ont été achevées au cours de la dernière décennie. Depuis 2008, la capacité de production d’électricité de la RDC n’a pas beaucoup augmenté. Elle demeure autour de 2 400 MW, dont seulement 1 281 MW sont opérationnels aujourd’hui. Pourtant, la RDC a connu une croissance économique annuelle d’environ 6 % durant la dernière décennie : le secteur de l’énergie aurait donc dû croître davantage.

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Durée : 02:08

Si le gouvernement congolais a bien identifié 217 sites pour développer davantage son potentiel hydroélectrique, aucun projet n’a encore vu le jour. Le développement d’un Atlas des énergies renouvelables en 2014, grâce à l’appui du Programme des Nations unies, a permis de sélectionner 780 sites, y compris pour développer le potentiel solaire et éolien du pays. C’est maintenant au tour du gouvernement et des provinces de trouver des partenaires pour mener à bien ces projets.

Les mésaventures des barrages « Inga »

L’hydroélectricité est considérée comme une source fiable d’approvisionnement en électricité en RDC et dans la région de l’Afrique australe. C’est la raison pour laquelle un projet de large envergure, le Grand Inga, a reçu autant d’écho ces dernières décennies.

Celui-ci a évolué au cours du temps et se présente aujourd’hui comme un projet en plusieurs étapes, proposant la construction progressive de huit barrages sur le fleuve Congo et ses affluents. Les barrages d’Inga 1 et 2 existent déjà, respectivement depuis 1972 et 1982. Ils devraient produire environ 1 770 MW, malheureusement leurs turbines étant régulièrement entre maintien et réfection, leurs capacités combinées atteignent à peine 1 000 MW.

La construction d’un troisième barrage, Inga 3, faisait partie des chantiers prioritaires de Kabila. Malgré la promesse d’une pose de la première pierre en octobre 2015, ce projet n’a pas beaucoup avancé suite à de nombreux déboires. Parmi ces derniers, le manque de financement et de confiance vis-à-vis de la RDC de la part de ses partenaires a joué un rôle non négligeable. La longue remise en marche et les surcoûts associés à la réhabilitation des barrages d’Inga 1 et 2 ont ainsi été de mauvais augure pour les partenaires de développement du pays. Inga 3 ne produira donc pas son premier kilowatt en octobre 2020 comme promis.

Des projets de taille moyenne

Suite aux difficultés rencontrées pour développer plus avant le site d’Inga, les énergies renouvelables et les projets de plus petite taille associés à ces dernières ont piqué la curiosité du gouvernement congolais et de ses partenaires de développement, comme le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Banque Mondiale.

Des projets autour d’unités de production d’électricité de petite et moyenne taille, comme le barrage de Kakobola dont la capacité de production est de 9 MW, ont ainsi été mis en œuvre.

D’autres alternatives sont également considérées, autour du solaire et des biocarburants, notamment dans la perspective d’accroître l’accès à l’électricité dans le pays. L’installation solaire de Kananga, dans la province du Kasaï Central a ainsi été inaugurée cette année et produit aujourd’hui environ 1 MW.

La nécessité d’une stratégie double

Les projets hydroélectriques, quelle que soit leur envergure, sont souvent évalués par rapport aux économies d’échelle, en fonction des bénéfices tirés de leur rapport taille/production.

Pourtant, d’autres critères, par exemple socio-environnementaux, devraient être également pris en compte. En 2014, une nouvelle loi sur l’électricité a été adoptée en RDC, permettant d’ouvrir davantage le secteur de l’énergie aux producteurs indépendants et aux énergies renouvelables. Cette dernière va changer la donne pour ouvrir ce secteur et développer des partenariats public-privé autour des énergies renouvelables.

Le chemin est encore long et semé d’embûches avant que la RDC puisse fournir des services modernes d’accès à l’électricité à l’ensemble de sa population. Il est clair que pour ce faire, une double stratégie est nécessaire : inclure non seulement des projets nationaux de grande taille mais aussi des projets plus modestes, permettant au pays de valoriser la diversité de ses sources d’énergie, en particulier renouvelables.

Cet article est paru sur le site français The Conversation.

Agathe Maupin est chercheuse à l’Institut sud-africain des affaires internationales, et participe au programme Les Afriques dans le Monde (LAM) de l’Université de Witwatersrand en lien avec Sciences Po Bordeaux.