Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le 25 décembre, à Jerusalem. | POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». L’ultime geste de l’administration Obama sur le conflit israélo-palestinien a été celui de son ambassadrice auprès de l’ONU, Samantha Power, le 23 décembre, lors du vote de la résolution 2334 au Conseil de sécurité. Bien tardive, son abstention a permis l’adoption du texte à l’unanimité des 14 autres membres. Cette résolution n’est ni révolutionnaire ni anti-israélienne. Elle rappelle une constante depuis des décennies : la condamnation internationale de la colonisation israélienne des territoires palestiniens occupés, considérée comme illégale. Ce n’est pas l’Etat hébreu qui est visé en soi, mais l’occupation, à l’œuvre depuis un demi-siècle.

Ce rappel aux fondamentaux a suscité une forme d’hystérie calculée parmi les dirigeants israéliens, qui accusent l’administration Obama de trahison, d’abandon et de complot. Depuis huit ans, le président américain avait bloqué toute mise en accusation d’Israël. Malgré sa relation personnelle exécrable avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, il n’avait jamais manqué à ses devoirs de président d’une grande puissance protectrice et amie de l’Etat hébreu. Son consentement silencieux sur un vote aussi symbolique exprime la frustration accumulée face à la dérive de la droite israélienne.

Miroir déplaisant

La résolution 2334 tend un miroir déplaisant à la société israélienne, qui préfère en majorité détourner les yeux. Elle marque aussi une grave défaite politique pour M. Nétanyahou. Depuis des années, le premier ministre jure sur tous les tons que les colonies ne sont pas la raison du conflit avec les Palestiniens. A ses yeux, celui-ci résulte du refus de ces derniers de reconnaître Israël comme Etat juif. En outre, il s’enorgueillit d’avoir développé de façon inédite les relations internationales d’Israël. Il en veut pour preuve sa visite, cet été, dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est ou, début décembre, en Azerbaïdjan et au Kazakhstan, et en déduit volontiers que, au Moyen-Orient comme sur des continents plus éloignés, la question de la colonisation est devenue accessoire. Il n’en est rien. Le fait que l’Egypte, grand voisin arabe avec lequel Israël est en paix et coopère étroitement dans le domaine sécuritaire, soit à l’origine de la résolution devrait faire réfléchir.

Un bouleversement sans précédent de la politique américaine sur le conflit israélo-palestinien est en gestation

Hélas, il est peu probable que Benyamin Nétanyahou profitera de cette occasion pour remettre en question la mécanique de l’occupation et le développement des colonies. Au contraire, selon la presse israélienne, de nouvelles constructions devraient être prochainement annoncées. La droite nationale religieuse pousse à l’annexion de la zone C, soit 60 % de la Cisjordanie, rendant plus caduque que jamais la perspective d’un Etat palestinien.

Une « nouvelle ère » : tel est l’horizon vers lequel tend M. Nétanyahou. Avec l’installation de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier, il espère que se mettra en mouvement l’administration américaine la plus pro-israélienne de l’histoire. Les premiers indices plaident en ce sens : la désignation d’un nouvel ambassadeur, David Friedman, connu pour ses positions en faveur des colonies ; le déménagement promis de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Un bouleversement sans précédent de la politique américaine sur le conflit israélo-palestinien est en gestation. Mais personne ne sait vraiment l’intérêt réel que prêtera le président milliardaire à un conflit devenu secondaire dans le fracas du monde.