Le président argentin, Mauricio Macri, à Buenos Aires, en août 2016. | AGUSTIN MARCARIAN / REUTERS

A la fin d’une année faite de récession économique et de mécontentement social, le président de centre droit argentin, Mauricio Macri, a procédé à son premier remaniement ministériel depuis son arrivée au pouvoir, le 15 décembre 2015.

Lundi 26 décembre, en pleines vacances de l’été austral, il a ainsi nommé une nouvelle équipe économique et dédoublé le ministère des finances et du budget. Alfonso Prat-Gay, qui en était jusqu’ici chargé, a été prié de démissionner, et ce en dépit de l’annonce, le lendemain, d’un impressionnant résultat du gouvernement : l’amnistie fiscale en vigueur jusqu’au 31 décembre a permis le rapatriement de 90 milliards de dollars (86,1 milliards d’euros).

M. Prat-Gay est remplacé aux finances par Nicolas Dujovne, considéré comme un spécialiste de macro-économie. Issu du parti radical, celui-ci est par ailleurs journaliste de télévision et éditorialiste au quotidien conservateur La Nacion. Luis Caputo, jusque-là secrétaire au budget, est promu ministre. Sa mission sera « d’obtenir des financements », a précisé le chef du gouvernement, Marcos Peña. M. Caputo avait été l’émissaire du gouvernement Macri pour la résolution du litige sur la dette avec les « fonds vautours », une affaire désormais classée après dix ans de bras de fer judiciaire.

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Désaccords avec le gouverneur de la banque centrale

« Le président a demandé à M. Prat-Gay de démissionner. C’est une question de divergences politiques », a précisé M. Peña lors d’une conférence de presse. A son arrivée en décembre 2015, l’un des premiers gestes de cet ancien gouverneur de la banque centrale d’Argentine sous le gouvernement péroniste de Nestor Kirchner (2003-2007) avait été d’éliminer le contrôle des changes.

Appartenant à une formation de centre gauche, M. Prat-Gay était isolé dans un gouvernement dominé par le parti officiel de centre droit, Proposition républicaine (PRO). Il s’opposait notamment à la politique monétaire du gouverneur actuel de la banque centrale, Federico Sturzenegger, axée sur la lutte contre l’inflation et responsable, selon lui, de l’aggravation de la récession. Il proposait, pour sa part, de baisser les taux d’intérêt pour réactiver l’économie.

La fin du contrôle des changes a fait bondir l’inflation annuelle à plus de 40 %, bien au-delà des 25 % prévus en janvier. Parallèlement, la suppression des subventions aux services publics (transports, gaz, eau et électricité, etc.) a réduit le pouvoir d’achat des ménages.

En 2016, l’Argentine est retournée sur les marchés de capitaux pour la première fois depuis son défaut de paiement de 2001. Profitant d’un niveau d’endettement bas, la troisième économie latino-américaine a emprunté près de 50 milliards de dollars, faisant passer la dette de 42 % à 53 % du produit intérieur brut. Le gouvernement table sur une croissance annuelle de 3 % en 2017, mais les signaux de reprise tardent à se manifester. L’institut officiel argentin de statistiques pronostique une récession de – 2,4 % pour 2016.

Un tiers des Argentins sont pauvres

Partisan de diminuer le rôle de l’Etat dans l’économie, le nouveau ministre des finances devra réduire les dépenses publiques et le déficit budgétaire. Le président argentin espère obtenir 35 milliards de dollars sur les marchés financiers local et international pour couvrir les besoins de financement. Jusqu’à présent, les investissements étrangers promis par M. Macri tardent à arriver. Le chef de l’Etat a demandé à tous ses ministres de présenter, à partir du 1er janvier 2017, au moins dix initiatives pour réduire les dépenses dans leurs secteurs respectifs.

A Buenos Aires, ce mini-remaniement est interprété comme un virage encore plus libéral du gouvernement. La grande peur des citoyens est que le nouveau plan économique signifie un dur réajustement budgétaire. La récession touche tous les secteurs de l’économie à l’exception des spéculateurs qui gagnent plus en misant sur le peso qu’en investissant, ou les agriculteurs, qui bénéficient de la suppression des taxes sur les exportations de céréales.

En revanche, les classes moyennes sont douloureusement touchées. Un tiers des quelque 42 millions d’Argentins vit sous le seuil de la pauvreté. Les soupes populaires se sont multipliées et l’Eglise catholique exprime régulièrement sa préoccupation.

En un an, le gouvernement Macri a supprimé 200 000 emplois, jugés plus ou moins fictifs dans un Etat devenu obèse. La colère sociale explose quotidiennement sous forme de manifestations, grèves, blocages de rues, créant le chaos dans la circulation dans la capitale. Premier président de droite de l’histoire argentine, M. Macri avait promis une « révolution de la joie ». L’Argentine en est loin, mais le président bénéficie encore de 40 % d’opinions favorables.