Richard Adams, en août. | FAMILY OF RICHARD ADAMS via DAVID HIGHAM ASSOCIATES/AFP

L’écrivain britannique Richard Adams s’est éteint le 24 décembre, à l’âge de 96 ans, dans sa maison de Whitchurch, dans le Hampshire. Son œuvre maîtresse, Watership Down (Flammarion, 1976 ; traduction revue : Monsieur Toussaint Louverture, 2016) figure parmi les livres les plus vendus au monde. Cette fresque animalière parue en 1972, devenue un classique, s’est en effet écoulée à environ cinquante millions d’exemplaires dans le monde. Art Garfunkel en fit une chanson, Bright Eyes (1979), Stephen King la mentionne dans Le Fléau (JC Lattès, 1991). Il est évoqué dans la série télévisée Lost (2003-2010). Déjà adapté au cinéma, en dessin animé ainsi qu’au théâtre, ce roman fait actuellement l’objet d’une minisérie coproduite par Netflix et la BBC, prévue pour 2017.

Horribles souvenirs de la seconde guerre mondiale

Dans The Day Gone by, son autobiographie publiée en 1990 (non traduite), Richard George Adams, né à Newbury, le 9 mai 1920, fait revivre son enfance pastorale dans le Berkshire. Fils d’un médecin de campagne qui lui apprend à distinguer les différentes espèces d’oiseaux, le garçon passe son temps libre à découvrir la campagne environnante, étudiant coléoptères et poissons de rivière. Comme de nombreux jeunes Anglais, il se plonge avec délectation dans les histoires de Hugh Lofting (1886-1947), créateur du Dr Doolittle, et de Beatrix Potter (1866-1943), la mère de Jeannot Lapin, auquel il s’identifie. A 9 ans, le charme est rompu et le garçon envoyé au pensionnat.

Richard Adams poursuit des études d’histoire à l’université d’Oxford lorsqu’il est mobilisé en juillet 1940. Pour Watership Down, il s’inspirera de son expérience de parachutiste lors de la seconde guerre mondiale. Celle-ci lui laissera d’horribles souvenirs, notamment la bataille d’Arnhem, aux Pays-Bas, au cours de laquelle son unité fut décimée. Démobilisé en 1946, il reprend ses études et, son diplôme en poche, entre comme haut fonctionnaire au ministère de l’environnement. En 1968, il parvient à faire voter une loi contre la pollution de l’air.

« Watership Down », un récit pour ses deux filles

C’est lors d’un long trajet en voiture que sa vocation d’écrivain se révèle à lui. « Maintenant, papa, tu dois nous raconter une histoire originale, que nous n’avons jamais entendue », exigent ses deux filles. Le père de famille s’exécute et poursuit son récit les jours suivants, au moment du coucher des enfants. Ainsi naît, soir après soir, Watership Down, premier roman – et chef-d’œuvre – d’un auteur de 52 ans. Il s’agit du récit de la migration d’une colonie de lapins, en quête d’un nouveau foyer après que leur garenne a été dévastée par des promoteurs immobiliers. Un exil semé d’embûches et de terreurs au cours duquel chacun, par ses qualités propres, contribue à la survie du groupe. Nourrie des connaissances de l’auteur en zoologie, cette fable, éminemment politique, se double d’un récit sensoriel à hauteur de museaux et d’oreilles.

Refusé à l’origine par plusieurs grands éditeurs perplexes face à ce gros roman, et qui ne savent à quel type de lectorat le destiner, Watership Down fut finalement accepté par une petite maison londonienne, Rex Collings. Encensé par la critique, le livre demeura soixante-dix semaines en tête des listes des meilleures ventes du Sunday Times. Même succès phénoménal aux Etats-Unis. Dès lors, Richard Adams se consacra pleinement à l’écriture.

« Il faut des passages effrayants »

Il a écrit une vingtaine de livres, parmi lesquels des recueils de poésie ou de nouvelles, plusieurs ouvrages célébrant la nature à travers les saisons, deux récits de voyage en Antarctique et de nombreux contes pour enfants. « Les bonnes histoires se doivent d’être excitantes et, pour qu’elles soient excitantes, il faut qu’elles contiennent des passages effrayants », répondait systématiquement Richard Adams lorsqu’on lui faisait remarquer que ses scènes de bataille ou d’agonie étaient susceptibles de traumatiser les plus jeunes.

Richard Adams était aussi un grand défenseur des bêtes. Il a notamment milité contre le massacre des bébés phoques, le commerce des fourrures et l’utilisation des animaux pour les tests cosmétiques. Il a été élu président de la Société royale pour la prévention de la cruauté envers les animaux (RSPCA) en 1980.