Niloufar Rahmani, 23 ans et première femme pilote de l’armée afghane depuis les années 1980, examine son appareil, à Kaboul, en avril 2015. | SHAH MARAI / AFP

L’héroïne est fatiguée : la capitaine Niloufar Rahmani ne veut plus revenir en Afghanistan. Cette pilote de 25 ans devait rejoindre Kaboul, samedi 25 décembre, après quinze mois d’entraînement aux Etats-Unis. Elle a annoncé la veille y avoir demandé l’asile politique. Mme Rahmani craint pour sa vie et celle de sa famille, elle cite des menaces des talibans et de lointains parents, ainsi que des pressions misogynes au sein de l’armée. « Les choses ne changent pas » en Afghanistan, déclarait-elle dimanche au New York Times, « cela va de mal en pis ».

En 2013, Niloufar Rahmani était devenue la première pilote de l’armée afghane depuis les années 1980. Elle avait « réalisé le rêve » de jeunesse de son père ingénieur, disait-elle. L’aviation afghane compte à peine une centaine d’appareils, surtout des hélicoptères de combat. L’OTAN assure l’essentiel du soutien aérien.

Exilée en Inde

A bord de son petit avion de transport Cessna 208 « turboprop », Niloufar est vite mise en lumière par l’OTAN. Cette jeune femme forte et belle frappe une corde dans la nouvelle société afghane. Célèbre, elle subit des menaces. Le Tehrik-e-Taliban, principal mouvement taliban pakistanais, lui promet la mort pour collaboration avec les forces américaines.

Le principal danger vient d’hommes de sa famille élargie, déclare-t-elle alors, qui souhaiteraient laver l’honneur familial. Elle se met à l’abri un temps en Inde avec sa famille. A son retour, l’armée lui demande de démissionner. Le soutien de l’US Air Force lui permettra de garder son travail, dit-elle, mais le calvaire se poursuit. On tire sur l’un de ses frères devant son université. Son père perd son travail. L’une de ses sœurs se voit forcée de divorcer, disent ses proches, par sa belle-famille. A l’été 2015, Niloufar Rahmani s’envole pour les Etats-Unis, où le département d’Etat lui décerne un prix des Femmes de courage.

Lundi, le ministère afghan de la défense a fait savoir qu’elle serait poursuivie pour désertion si elle ne rentrait pas sous trente jours. Il l’accuse de « mentir » pour obtenir l’asile. L’armée compte un peu moins de 200 000 soldats, et fait face à un taux de désertion important. Au sein de la société civile, certains critiquent aussi la décision de Mme Rahmani, estimant qu’elle déçoit les espoirs qu’elle avait pu inspirer aux jeunes Afghanes.