Le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort. | Kai Pfaffenbach/Reuters

Triste anniversaire. Il y a dix ans, en 2007, BNP Paribas fermait en panique trois de ses fonds monétaires. Une étincelle qui mit le feu aux marchés financiers, un an avant la chute de la banque américaine Lehman Brothers. La crise des subprimes commençait à peine. Une décennie plus tard, le monde souffre encore des séquelles de la terrible récession qui a suivi. En particulier la zone euro, engluée dans la croissance faible et le chômage élevé.

Les risques pesant sur l’activité dans une zone où la monnaie unique a fait son apparition il y a tout juste quinze ans sont toujours présents. Mais ils ont changé de nature. « Ces prochains mois, ils seront moins économiques et financiers que politiques », résume Nadia Gharbi, économiste chez Pictet. A une nuance près : après des années de taux zéro anesthésiant les investisseurs comme les Etats, la remontée des taux souverains pourrait, elle aussi, charrier son lot de mauvaises surprises.

  • Les incertitudes politiques pèseront sur l’investissement

Avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et la victoire du « leave » au Royaume-Uni, 2016 a marqué le grand retour du politique. « Ce n’était peut-être qu’un avant-goût avant de ce qui nous attend en 2017 », prévient Philippe Waechter, chez Natixis AM. Tout au long de l’année, des élections déterminantes auront lieu aux Pays-Bas (en mars), en France (en avril-mai), en Allemagne (à l’automne), et peut-être même en Italie. Chaque fois, les mouvements populistes pourraient y marquer des points. « Ce sera un grand test pour la cohésion de l’union monétaire », estime Maxime Sbaihi, économiste chez Bloomberg Intelligence. Le danger ? « Sûrement pas de voir un pays quitter l’euro », rassure-t-il.

Mais le doute politique pèsera sur l’investissement privé. Et les marchés pourraient réclamer des taux d’intérêt plus élevés aux entreprises et aux Etats. Les finances publiques s’en trouveraient fragilisées. D’autant que s’ajouteront à cela les incertitudes liées aux négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, qui devraient réellement débuter cette année. Sans parler de celles entourant le programme de Donald Trump aux Etats-Unis. Ses promesses protectionnistes, si elles sont appliquées, pourraient nuire au commerce mondial, déjà anémique.

  • Le retour de l’inflation va fragiliser le pouvoir d’achat

Hausse des cours du pétrole oblige, les prix vont lentement remonter dans la zone euro. Selon la Banque centrale européenne (BCE), l’inflation devrait passer de 0,2 % en 2016 à 1,2 % en 2017, se rapprochant ainsi doucement de la cible de 2 % de l’institut monétaire. A première vue, c’est une bonne nouvelle : le spectre déflationniste menaçant l’Europe depuis 2013 s’éloigne enfin.

Seulement voilà : en zone euro, la hausse des prix des produits importés, comme le pétrole, ne devrait guère être suivie par une hausse notable des salaires, contrairement à ce que l’on observe aux Etats-Unis. Et ce, parce que le taux de chômage européen frôle toujours les 10 %. « Sur le Vieux Continent, le retour de l’inflation pourrait donc se traduire surtout par une baisse du pouvoir d’achat des ménages, pénalisant la croissance », explique Stéphanie Villers, chef économiste d’Humanis.

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  • La hausse des taux pourrait pénaliser la zone euro

Le 15 décembre, la Réserve fédérale a relevé ses taux directeurs d’un quart de point, tandis que les taux souverains américains ont commencé à remonter depuis l’été, entraînant dans leur sillage les taux français, allemands et italiens. Le cycle de baisse des taux observée depuis plus d’une décennie touche à sa fin. C’est plutôt une bonne nouvelle car ils étaient tombés trop bas, jugent la plupart des économistes. A condition du moins que la hausse ne s’emballe pas : « En Europe, elle pourrait coûter cher aux Etats les plus fragiles, en particulier l’Italie et le Portugal », prévient Gilles Moëc, chez Bank of America ML.

Pour l’éviter, la BCE a décidé en décembre de prolonger ses rachats de dettes publiques (80 milliards d’euros mensuels) jusqu’à la fin 2017. Mais cela pourrait ne pas suffire : l’outil monétaire n’est plus aussi efficace qu’avant, et la BCE est désormais à court de cartouches. En outre, la remontée des taux américains, qui attire les capitaux vers les Etats-Unis, pourrait fragiliser les pays émergents et, par extension, l’économie mondiale. Seule consolation, si l’on peut dire : la baisse de l’euro face au dollar pourrait se poursuivre, au profit des exportations européennes…

  • Les banques italiennes continueront d’inquiéter

C’est désormais certain : l’Etat italien va intervenir pour renflouer Banca Monte dei Paschi di Siena, la quatrième banque du pays, qui inquiète les marchés depuis des mois. Pour ce, Rome a emprunté 20 milliards d’euros sur les marchés en décembre. Une somme qui pourrait également être utilisée pour aider d’autres établissements en difficulté, comme Banca Popolare di Vicenza, Veneto Banca ou Banca Carige.

Mais même après cela, le système bancaire italien, handicapé par 360 milliards d’euros de mauvaises dettes, restera fragile. « Le ménage n’a pas encore été fait dans les petites banques locales, très peu rentables », note Nicolas Véron, spécialiste du sujet au Peterson Institute, un think tank de Washington. Ces faiblesses ne risquent pas de déclencher une nouvelle crise financière majeure. En revanche, les banques en mauvaise forme ne distribuent plus de nouveau crédit aux entreprises cherchant à investir. Cela pèsera pendant des années sur la croissance de la troisième économie de la zone euro – et donc, de ses partenaires commerciaux.

  • Les discussions sur la dette grecque vont se poursuivre

Plus personne, en Europe, n’évoque la possibilité d’une sortie grecque de la zone euro, comme à l’été 2015. Pour autant, les discussions tendues entre Athènes et ses créanciers européens devraient se poursuivre tout au long de l’année à venir. Celles-ci achoppent toujours sur le même point : le Fonds monétaire international n’a toujours pas confirmé sa participation au troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros accordé au pays à l’été 2015, et l’Allemagne refuse d’en faire plus pour alléger encore la dette publique hellène (180 % du PIB) à long terme.

Si rien ne bouge d’ici là, ce qui est probable, le risque d’un défaut de paiement partiel pourrait resurgir en juillet, lorsque la Grèce devra rembourser 3,9 milliards d’euros à la BCE. De quoi briser la fragile reprise observée depuis quelques mois.