Le candidat à la primaire de la gauche pour l’élection présidentielle, Benoit Hamon, dans son QG de campagne à Paris, le 3 janvier. | OLIVIER LABAN-MATTEI POUR LE MONDE

Vous avez fait du revenu universel un axe fort de votre projet. Pourquoi ?

La question n’est pas de savoir s’il y aura un jour un revenu universel, il y en aura un. C’est la nouvelle protection sociale. Ceux qui prétendent que c’est irréalisable disaient la même chose quand on a voulu mettre en place le RMI ou la Sécurité sociale. La seule question, c’est quel revenu universel sera mis en place dans les années à venir en France.

Mais n’est-ce pas remettre en cause la valeur travail ?

Je ne remets pas en cause l’importance du travail, mais je relativise sa place, car il va se raréfier. Le numérique va bouleverser nos vies. L’équation schumpeterienne de la destruction créatrice, qui veut que l’innovation technologique apporte de nouveaux emplois, ne fonctionne plus, ou alors partiellement. Selon toutes les études sérieuses, ce sont des centaines de milliers d’emplois peu ou pas qualifiés qui ont commencé à être détruits dans les économies occidentales. Il faut maîtriser cette transition et tirer le meilleur parti de cette formidable opportunité que nous offre la révolution numérique de moins travailler et de vivre mieux.

Pourtant, Manuel Valls, comme Emmanuel Macron, se présentent comme les candidats du travail…

Il y a une grande paresse à gauche sur cette question. Je suis moi aussi philosophiquement attaché à la société du travail. Je pense qu’on peut s’y épanouir, y trouver une utilité. Mais j’observe aussi que des gens aspirent à moins travailler, car le travail les broie. Je suis frappé de constater que cette idéologie du travail est portée par des gens qui appartiennent à des catégories plutôt heureuses d’aller travailler et qui n’ont qu’une connaissance très lointaine de la réalité du travail, quand celui-ci est difficile, quand on en tire un revenu qui ne donne pas de quoi vivre, quand il ne permet pas de consacrer du temps à ses enfants…

L’instauration d’un tel revenu est-elle envisageable tout de suite ?

Cette question est en effet importante. Mais commençons par dire ce que nous voulons. Quand le Conseil national de la résistance propose la Sécurité sociale au sortir de la guerre, il invite à créer un système qui va très vite peser 100 % du PIB de l’époque. Aujourd’hui, le revenu universel, ce serait 15 % à 20 % du PIB. Que s’est-il passé, en 70 ans, pour que la gauche n’arrive plus à penser ce que pourrait être une nouvelle protection sociale adaptée aux insécurités de notre temps ?

Quelles premières mesures adopteriez-vous ?

Dès le budget 2018, je revaloriserai le RSA pour le porter à 600 euros. Sa distribution sera automatique, ce qui permettra d’en faire bénéficier le tiers des gens aujourd’hui éligibles mais qui n’en font pas la demande. De plus, je permettrai aux 18-25 ans de bénéficier du revenu universel, pour être autonome et favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Les jeunes alternent salariat, statuts précaires, formations, contrats courts. Le revenu universel incarne enfin l’acte de confiance espéré de la France envers sa jeunesse.

Quel en serait le coût ?

Cela coûterait 45 milliards d’euros. Pour les financer, je propose une nouvelle imposition du patrimoine : un prélèvement unique qui fusionnerait impôt de solidarité sur la fortune [ISF] et taxe foncière. Celui-ci s’appliquerait sur le patrimoine immobilier, comme financier, des ménages et des entreprises. Ce prélèvement serait de 0,65 % sur les actifs nets.