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C’est la grande tendance de l’année 2017, dans les banques françaises : facturer aux clients des frais, chaque mois, pour la tenue de leur compte courant, sans qu’aucun service nouveau y soit associé. Apparu en 2016 dans les grands réseaux (BNP Paribas, Société générale…) sur fond de dégradation de la rentabilité des banques (en raison des taux d’intérêt bas et de moindre marge sur les crédits…), le phénomène s’étend, au point de concerner désormais la quasi-totalité des établissements financiers.

Non seulement les comptes courants gratuits se font de plus en plus rares, mais les tarifs fixés l’an dernier sont orientés à la hausse en 2017. Même les banques les moins chères s’y mettent. Ainsi La Banque postale, réputée pour ses tarifs mesurés, cède aux sirènes du marché. Si ses frais de tenue de compte restent inférieurs à ceux des grandes banques, ils ont doublé depuis le 1er janvier (à 12 euros, contre plus de 20 euros dans les grands réseaux).

Ainsi, selon une étude réalisée pour Le Monde par le cabinet Sémaphore Conseil auprès de 144 banques de France métropolitaine (grands réseaux, banques régionales, etc.), les frais de tenue de compte augmentent de 3,79 %, à 19,16 euros en moyenne par an, au 4 janvier 2017, par rapport à la même date de l’an dernier. Cette moyenne masque, évidemment, de grandes disparités, les frais plus élevés atteignant un record de 70 euros (à la Barclays, dans les banques régionales Dupuy de Parseval, Marze…).

18 banques seulement ne facturent pas les comptes courants

Il ne reste plus que 18 banques sur 144 à ne pas facturer les comptes courants début 2017, alors qu’elles étaient encore 27 début 2016 ! Parmi elles figurent les banques en ligne, le Crédit coopératif et plusieurs caisses régionales du Crédit agricole, dont le Crédit agricole Ile-de-France. Celui-ci mise d’ailleurs sur cette gratuité pour conquérir de nouvelles parts de marché, à raison de 150 000 nouveaux clients par an, ambitionne-t-il.

Cette photographie, prise à un instant « T », est susceptible d’évoluer encore dans l’année, car les tarifs 2017 n’entrent pas en vigueur à la même date dans toutes les banques. Sur 144 banques, la moitié seulement (69 exactement) ont appliqué leurs nouveaux tarifs en janvier. Les autres attendent les mois de mars (la Société générale), d’avril (LCL), voire mai ou de juillet (les fédérations du Crédit Mutuel Arkéa, certaines caisses ou banques du groupe BPCE), pour actualiser leur grille.

Ces frais ne sont pas les seuls à augmenter en 2017. Toujours selon la photographie établie par Sémaphore Conseil pour Le Monde au 4 janvier, deux autres services coûteront plus cher aux ménages cette année : les retraits d’argent dits « déplacés », c’est-à-dire effectués dans des distributeurs automatiques de billets autres que ceux de leur banque ; les cartes de paiement internationales à débit immédiat (dites cartes de débit, par opposition aux cartes de crédit fondées sur le débit différé).

Favoriser les cartes de crédit

Ainsi, le nombre de retraits gratuits dans les distributeurs de la concurrence diminue de près de 4 %, à 3,4 retraits mensuels en moyenne par banque. Les retraits suivants sont facturés, afin de tenir compte des investissements technologiques et des dépenses de maintenance consenties par chaque banque.

Quant aux cartes bancaires internationales de débit, leur coût est en hausse d’un peu plus de 3 %, à 39,39 euros l’an. Une politique tarifaire destinée à favoriser les cartes de crédit, sur lesquelles les banques gagnent davantage d’argent. Au total, résume Laurent Trichet, directeur général de Sémaphore Conseil, « 2017 est une année de hausse tarifaire, même si celle-ci reste relativement modérée et centrée sur quelques grands produits ou services ».

« Parallèlement à la généralisation des frais de tenue de compte, deux autres tendances se dessinent, ajoute-t-il. Côté banques traditionnelles, la facturation plus lourde des services effectués en agence (tels les virements) et côté banques directes (en ligne), la mise en place d’une gratuité sous conditions : plus on confie d’encours et plus on utilise les moyens de paiement, moins on paie. C’est un phénomène nouveau. »

193,80 euros en moyenne

L’étude réalisée pour Le Monde est corroborée par plusieurs enquêtes récentes, dont la dernière en date, réalisée par le comparateur de tarifs bancaires Panorabanques.com pour Le Parisien-Aujourd’hui en France du 3 janvier, conclut à une hausse générale des tarifs bancaires de 1,7 % entre 2016 et 2017, et de 4,2 % sur deux ans.

En moyenne, écrit le journal, un client « lâchera 193,80 euros à sa banque cette année » en frais bancaires, les frais variant en fonction des profils des clients et de leurs comportements. Ceux-ci pèseront plus nettement dans le budget des ménages.

« La hausse des frais de tenue de compte est largement responsable de l’augmentation globale. Si les banques en ligne font de la résistance et jouent la gratuité et bien que des exonérations sont prévues pour les jeunes et les souscripteurs de “packages”, neuf clients sur dix sont désormais potentiellement concernés par ces facturations », explique Guillaume Clavel, le fondateur de Panorabanques.com.

Les banques défendent leur bon droit

Interrogées sur ces hausses, les banques défendent leur bon droit, face au contexte conjoncturel et réglementaire tendu dans lequel elles évoluent désormais. Surtout, la plupart d’entre elles revendiquent leur modération tarifaire, à commencer par La Banque postale, qui reste l’un des établissements les moins chers. « Nous tenons compte du contexte de la conjoncture économique et faisons le choix de la stabilité tarifaire, avec plus de services à distance gratuits », glisse-t-on ainsi à la Société générale. « Chez nous, les frais de tenue de compte (2,50 euros par mois) n’augmentent pas, renchérit-on chez BNP Paribas. En 2017, 80 % de nos tarifs pour les particuliers sont stables ou en baisse. »

Toutes les banques font en outre remarquer que les frais de tenue de compte restent gratuits dès lors que les clients souscrivent à leurs offres de services groupées – les fameux « packages ». Des systèmes d’exonération qui existent effectivement dans la plupart des établissements.

« Oui mais attention, les offres groupées de services ne contribuent pas à la clarté… Elles sont souvent plus chères qu’une tarification à la carte », constate de son côté Romain Espinasse, responsable banque des comparateurs de tarifs Meilleurebanque.com et Meilleurtaux.com. Selon les calculs de l’expert, arrêtés à fin décembre 2016 et qui seront réactualisés en février, le groupe Banque populaire était, parmi tous les groupes bancaires, celui qui avait le plus augmenté ses frais de tenue de compte (de 17,88 à 25,16 euros), « en raison de l’arrêt de la gratuité de certaines banques régionales ».

Pression accrue sur le budget des ménages

D’autres réseaux soulignent qu’ils récompensent la clientèle fidèle et active : LCL exonère ainsi des frais de tenue de compte les clients qui domicilient leurs revenus chez lui ; Axa Banque, pour sa part, offre la gratuité des comptes aux clients qui possèdent un compte avec carte. D’autres encore (BNP Paribas, CIC…) diminuent les frais pour les clients qui optent pour les relevés de compte en ligne (moins coûteux pour les banques).

Cependant, même si ces hausses tarifaires restent modérées et centrées sur quelques « postes » de dépenses, les défenseurs des consommateurs s’érigent contre la pression accrue sur le budget des ménages et, surtout, la façon de faire des banques. « Les banques cherchent à faire du PNB additionnel (l’équivalent du chiffre d’affaires) pour contrebalancer les mauvaises conditions de taux, elles protègent leurs comptes d’exploitation au détriment du budget des ménages… En fait, elles succombent à la tentation d’augmenter les prix sur les étiquettes quand le métier se fait un peu moins rentable », déclare Serge Maître, président de l’Association française des usagers des banques.

« Les lois protégeant les consommateurs n’y font rien, les usagers ont un sentiment de lassitude face à la prégnance de la facture bancaire. Ils ont le sentiment d’être tondus », poursuit M. Maître, qui déplore « l’absence persistante de concurrence sur les prix bancaires ». « Il faudrait que l’Etat se décide à réguler véritablement cette fracture bancaire. »

Les changements de banque facilités par la loi Macron

A partir du 7 février, en vertu de l’application d’une disposition de la loi Macron sur « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », promulguée le 7 août 2015, les consommateurs auront la possibilité de changer d’établissement financier sans effectuer les démarches administratives jusqu’ici requises. Il incombera au nouvel établissement de gérer lui-même l’ensemble des opérations financières nécessaires, comme le transfert des comptes courants, des crédits et des…