Rémy Weber, le président du directoire de La Banque postale, le 25 février 2014. | ERIC PIERMONT / AFP

Onze ans après sa création le 31 décembre 2005, La Banque postale, héritière des services financiers de La Poste, établissement financier atypique doté d’une vocation et d’une identité sociale fortes, serait-elle en passe de devenir une banque comme les autres ?

La décision de la filiale bancaire de l’opérateur public postal de suivre la tendance du marché en multipliant par deux ses frais de tenue de compte en 2017 (1 euro par mois, au lieu de 1,5 euro par trimestre en 2016) réveille le débat sur la tentation de la « normalisation » de cette banque « pas comme les autres », dotée par la loi d’une mission d’accessibilité bancaire.

Cette mission, qui s’exerce principalement à travers le Livret A, permet notamment d’assurer à des clients à faible pouvoir d’achat, voire fragiles, l’accès « sans restriction », dit la loi, à des services de base (ouverture d’un Livret A ou d’un compte en banque à toute personne qui en fait la demande sans conditions de revenus, dépôts et retraits d’argent gratuits à partir de 1,5 euro, contre 10 euros dans les autres réseaux, domiciliations de minima sociaux etc.).

Banalisation de La Poste

Dans un communiqué daté du 27 décembre 2016, la fédération SUD-PTT dénonce la banalisation de La Banque postale, qu’elle estime déjà à l’œuvre, depuis quelques années, dans un contexte de concurrence et de mauvaise conjoncture économique.

« Il aura fallu six ans aux dirigeants de La Banque postale pour se conformer aux canons de la plupart des banques françaises, estime la fédération syndicale. La publication des tarifs 2017 de la seule banque de détail détenue à 100 % par l’Etat en est la dernière démonstration. Certes moins chers que chez ses concurrentes, les prix affichés connaissent une forte inflation, à l’image des frais de tenue de compte, ce qui fait de l’argent facilement gagné avec près de 12 millions de comptes de dépôts. »

Pour SUD-PTT, « l’intérêt général est foulé aux pieds, pour satisfaire une politique de productivité et de conquête des portefeuilles des clients les plus aisés ». La Banque postale, dont l’objectif initial était de devenir une vraie banque sans mimer les pratiques des autres banques, aurait manqué son objectif.

« Trouver le bon équilibre »

En voie de banalisation, La Banque postale ? Le propos fait bondir Rémy Weber, président du directoire de l’établissement financier. « La Banque postale reste dans une logique de tarification modérée, avec la volonté de maintenir les tarifs bas pour les clients fragiles. » Si les frais de tenue de compte sont passés à 1 euro par mois, ajoute-t-il, ils restent parmi les plus bas du marché. « Nous privilégions une tarification basse et savons trouver le bon équilibre entre l’adaptation à l’environnement adverse actuel pour les banques et l’intérêt de nos clients. »

Surtout, le président de La Banque postale revendique d’avoir bâti « une banque complète en quelques années » – là où les grandes banques traditionnelles se sont construites en plus d’un siècle –, sans avoir perdu de vue l’objectif social assigné par le législateur… Etre la banque de tous.

« Nous sommes le banquier de l’accessibilité bancaire, nous jouons un rôle social important, c’est une mission de service public que nous assumons et que nous revendiquons. Nous sommes une banque citoyenne, explique M. Weber. Selon le patron de la filiale postale, ce rôle social aurait d’ailleurs été renforcé sous l’effet de la crise économique, avec désormais « plus de deux millions de clients » modestes ou fragiles. « Cette vocation sociale, nous la prouvons tous les jours, conclut M. Weber, à travers le Livret A, dont nous faisons bénéficier aussi les demandeurs d’asile, à travers nos agences spécialisées pour majeurs protégés, notre action contre le surendettement grâce à notre équipe de commerciaux dédiés, les traducteurs que l’on met à disposition des personnes maîtrisant mal le Français dans les bureaux de poste… Nous n’avons jamais fait autant pour les clients fragiles. »