Quelque 300 personnes se sont rassemblées devant le palais de justice pour soutenir Cédric Herrou. | VALERY HACHE / AFP

« Je le fais parce qu’il faut le faire. » Jugé à Nice pour avoir aidé des migrants près de la frontière franco-italienne, Cédric Herrou, 37 ans, a assumé, mercredi 4 janvier, ses actes pour lesquels le procureur a requis huit mois de prison avec sursis. Devant le tribunal, l’agriculteur a revendiqué des actes « politiques » : « Je le fais parce qu’il y a des gens qui ont un problème. Il y a des gens qui sont morts sur l’autoroute, il y a des familles qui souffrent, il y a un Etat qui a mis des frontières en place et qui n’en gère absolument pas les conséquences. »

Le procureur, Jean-Michel Prêtre, a pour sa part dénoncé l’usage de ce procès comme d’une « tribune politique » et requis à l’encontre de M. Herrou, outre le sursis avec mise à l’épreuve, la confiscation de son véhicule, ainsi qu’un usage limité de son permis de conduire aux besoins de sa profession. « Ce n’est pas à la justice de décider de changer la loi, ce n’est pas à la justice de donner une leçon de diplomatie à tel ou tel pays », a-t-il par ailleurs estimé.

L’agriculteur, qui produit des olives et des œufs dans la vallée de la Roya, l’une des voies d’entrée vers la France des migrants venus d’Italie, est poursuivi pour aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière. Quelque 300 personnes, dont de nombreux membres d’un collectif d’aide aux migrants Roya Citoyenne, se sont rassemblées devant le palais de justice pour le soutenir avant le début de l’audience.

L’intervention de la police

La justice reproche à Cédric Herrou l’installation en octobre 2016, sans autorisation, d’une cinquantaine d’Erythréens dans un centre de vacances SNCF désaffecté, à Saint-Dalmas-de-Tende. L’occupation de ce centre, dénoncée avec force par les élus locaux Les Républicains, avait pris fin avec l’intervention des forces de l’ordre au bout de trois jours.

Interrogé par le tribunal sur la manière dont avait, depuis, évolué la situation, l’agriculteur a répondu : « Nous avons une trentaine de mineurs hébergés à Saorge chez des particuliers, et j’ai moi-même trois mineurs hébergés chez moi, et des majeurs aussi. »

En août 2016, M. Herrou a déjà été inquiété par la justice pour avoir transporté des Erythréennes, avant que l’affaire ne soit classée sans suite. La présidente s’est, dès lors, étonnée que les deux procédures dont il a fait l’objet n’aient pas mis un coup d’arrêt à ses actions : « Même si vous me condamnez, le problème continuera », a assené le militant.

« Un honneur »

Il est aussi revenu sur la manière dont il a commencé à venir en aide aux migrants il y a un an et demi. « Au départ, je voyais des gens marcher sur la route, des Noirs, alors je les emmenais à la gare de Breil-sur-Roya. Et petit à petit je me suis intéressé au problème. »

L’agriculteur est aussi revenu sur la décision d’occuper l’ancienne colonie de vacances de la SNCF : « Avant le squat, il y avait 58 personnes chez moi. J’avais pris la décision de ne plus les passer parce que je pensais que j’étais responsable de l’afflux des gens chez moi. Avec l’association Roya Citoyenne et avec le soutien d’autres associations humanitaires, on a décidé alors d’ouvrir un lieu pour les héberger. »

Avant le début de son procès, Cédric Herrou avait déjà défendu ses actes à l’entrée du palais de justice : « Ce que je fais n’est pas un sacrifice, c’est un honneur. »

Le 23 novembre, Pierre-Alain Mannoni, un enseignant-chercheur à l’université Nice Sophia Antipolis, était jugé pour avoir pris dans sa voiture trois jeunes Erythréennes blessées qu’il emmenait chez le docteur. Le procureur a demandé six mois de prison avec sursis.

Dans la vallée de la Roya, des images de solidarité avec les réfugiés