La plus ancienne ligue burundaise des droits de l’homme, Iteka, a été « définitivement radiée » de la liste des ONG locales autorisées à travailler au Burundi, selon une ordonnance ministérielle rendue publique mardi 3 janvier.

Iteka (« dignité » en kirundi, la langue nationale), agréée depuis 1991, était suspendue d’activités depuis le début de la crise politique, déclenchée par la réélection, en juillet 2015, du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat, ce que lui interdisait la Constitution.

Les autorités ont décidé de la dissoudre Iteka en rétorsion à la publication, en novembre 2016, d’un rapport coécrit avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) qu’elle représente au Burundi. Les deux associations y faisaient le point sur la répression gouvernementale et les violations massives des droits de l’homme.

A la mi-décembre, elle avait aussi dénoncé une « recrudescence » des arrestations et des disparitions d’opposants, ainsi que le climat de « peur généralisée » instauré selon elle par les autorités burundaises.

« Attendu que malgré une mesure de suspension provisoire, cette association n’a pas cessé les agissements pour lesquels elle avait été suspendue » et a continué « à ternir l’image du pays et à semer la haine et la division au sein de la population du Burundi », Iteka « est définitivement radiée de la liste des Associations sans but lucratif (ASBL) œuvrant au Burundi », a décidé le ministère burundais de l’Intérieur, selon une ordonnance rendue publique mardi sur un site d’information proche du pouvoir.

« Ne pas renoncer »

« Nous ne sommes pas surpris par cette décision, a réagi auprès de l’AFP le président d’Iteka, Anschaire Nikoyagize, qui vit aujourd’hui en exil. Elle vient confirmer que le pouvoir burundais continue de tout mettre en œuvre pour que ses graves violations des droits humains ne soient plus révélées et pour échapper à l’attention de la communauté internationale. »

Malgré la suspension de ses activités, Iteka avait continué de produire des rapports hebdomadaires et mensuels sur les violations des droits de l’homme au Burundi.

« Cela va être malheureusement plus dangereux pour nos équipes qui sont sur le terrain, a estimé M. Nikoyagize. Mais, nous n’allons pas renoncer à notre mission. Nous nous y sommes préparés et nous allons continuer à travailler dans la clandestinité. »

Iteka rejoint la liste des principales ONG indépendantes burundaises à avoir été dissoutes. Les grandes figures de la société civile et les responsables des médias indépendants sont eux en exil.

Les violences au Burundi ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 300 000 personnes à quitter le pays.