Le Régime social des indépendants (RSI) serait en passe d’être enterré, du moins à en croire quelques sites Web. L’organisme qui gère la protection sociale des artisans, commerçants, chefs d’entreprise et des professions libérales, et subit d’incessantes critiques quant à son inefficacité, est « mort », ont affirmé ces derniers jours plusieurs mouvements qui le remettent en cause, comme le « Mouvement des libérés » de la Sécurité sociale. Ces articles ont été partagés des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux et de nombreux indépendants se sont réjouis de la nouvelle. Sauf qu’ils relaient des informations erronées. Explications.

CE QUE DIT LA RUMEUR

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) aurait signé « l’arrêt de mort du RSI », lit-on ainsi dans un article du site du « Mouvement des libérés », partagé par exemple plus de 6 000 fois depuis le 1er janvier 2017 sur une page Facebook associée à cette mouvance. A partir d’un avis de la CADA publié le 1er décembre 2016, les « libérés » tirent une conclusion sans appel : « Le RSI n’a […] pas d’existence légale et tous ses actes sont nuls. »

Facebook / Comment quitter la sécurité sociale

POURQUOI C’EST FAUX

Une demande de publication de documents détournée de son contexte

Ce raisonnement est en fait pour le moins hâtif. Reprenons le fil des événements. Tout est parti d’un certain Jean-François Vernoud. Ce particulier, qui s’est associé publiquement au combat des « libérés » de la Sécu (notamment par une lettre ouverte à un sénateur diffusée en ligne), a demandé à plusieurs reprises au RSI de lui communiquer toute une série de documents relatifs à la création de ce régime social.

Face au refus du RSI, M. Vernoud a saisi la CADA le 28 septembre 2016. Cette autorité administrative est chargée de donner un avis (par exemple : « favorable » ou « irrecevable ») sur la demande de transmission de documents. Dans ce cas précis, elle a rendu un avis favorable à la transmission de ces documents le 1er décembre 2016, en l’absence de réponse du RSI. S’il le souhaite, Jean-François Vernoud peut envisager de poursuivre son combat pour obtenir les documents demandés en saisissant le tribunal administratif.

Attention néanmoins aux extrapolations hâtives et trompeuses faites à la suite de cet avis. Contactée par Les Décodeurs, la CADA précise s’être prononcée « uniquement sur la communication des documents demandés ». Cette dernière indique ne tirer « aucune interprétation particulière » de l’absence de réponse du RSI dans un premier temps :

« Sur le fond, les raisonnements que font ces mouvements [opposés au RSI] n’appartiennent qu’à leurs auteurs. »

Une réponse du RSI après l’avis de la CADA

N’ayant pas de réponse du RSI, la CADA nuance par ailleurs son avis du 1er décembre 2016 en remarquant que « les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes qui revêtent un caractère abusif ». Elle invite également M. Vernoud à « faire preuve de modération dans l’usage du droit de communication que lui confèrent les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l’administration ».

Or, le RSI a finalement transmis une réponse à la CADA le 15 décembre 2016, que nous avons pu consulter. L’organisme y justifie son refus de transmettre à M. Vernoud les documents demandés en jugeant justement ses demandes « abusives ».

D’abord, le RSI relève que M. Vernoud a « au cours d l’année 2016 demandé, à six reprises, la communication des mêmes documents » :

  • les statuts des caisses de RSI ;
  • les arrêtés de création des caisses de RSI par les préfets de région ;
  • les arrêtés préfectoraux d’approbation de leurs statuts.

L’organisme ajoute avoir alors informé ce particulier que sa demande était recevable, tout en précisant que les statuts et les arrêtés d’approbation sont justement « désormais en libre accès sur le site régional des caisses RSI ». Par exemple, les statuts et l’arrêté préfectoral de création du RSI Côte d’Azur sont disponibles directement sur son site.

De supposés arrêtés préfectoraux manquants

Le RSI reconnaît en revanche n’avoir pas répondu favorablement à la demande de fournir les arrêtés de création des caisses RSI par les préfets de région. Pour la simple raison que ces documents n’existent pas, selon l’organisme : « Le RSI a été créé par la loi », explique le courrier en renvoyant aux textes de référence prévoyant sa création.

Conclusion, « les textes applicables au RSI n’indiquent absolument pas » que les caisses seraient créées par les préfets de région. Les statuts de caisse auraient simplement « été soumis à l’approbation du préfet de région de la circonscription du siège social de chaque caisse. L’arrêté préfectoral a approuvé les statuts et attribué un numéro d’agrément. »

Cette réponse ne convaincra sans doute pas la mouvance des « libérés » de la Sécu, qui accompagne une vaste guérilla administrative et juridique contre le RSI. Cette dernière passe notamment par l’argument de la supposée nécessité d’un arrêté de création des caisses par les préfets de région, en l’absence duquel le RSI n’aurait selon eux « pas d’existence légale », ce qui rendrait tous ses actes « nuls ». Ce qui reste à établir.

Reste que l’avis de la CADA n’a rien d’une validation de cet argument juridique, d’autant que la plupart des documents demandés sont déjà disponibles en ligne. Rien ne permet donc d’affirmer, comme on a pu le lire ces derniers jours, que « l’arrêt de mort du RSI » aurait été signé du simple fait d’un avis de la commission.