Devant la cour d’appel d’Anvers, le 27 janvier 2016. | DIRK WAEM/AFP

Fouad Belkacem, le chef d’une filière terroriste belge et du groupe djihadiste Sharia4Belgium, affirme que les services de renseignement ont tenté de le recruter comme informateur. En échange, a-t-il déclaré le 3 décembre 2016 au magazine flamand Humo, il aurait bénéficié d’une libération anticipée. Cet homme de 34 ans a été condamné à douze ans de prison, début 2016, par la cour d’appel d’Anvers, qui a confirmé son rôle de recruteur pour une organisation terroriste. Quarante-six membres de Sharia4Belgium avaient été traduits devant la justice.

Inspiré par Anjem Choudary, fondateur d’Islam4UK, ce vendeur de voitures d’occasion avait multiplié les actions d’éclat depuis la création de son groupe à Anvers, en 2010. En 2012, il était condamné à deux ans de prison pour incitation à la haine. Il prônait l’instauration de la loi islamique, la conversion des non-musulmans et l’engagement dans la lutte armée. Pour certains, il n’était qu’un inspirateur, pour d’autres, un véritable activiste. Une dizaine de membres du groupe seraient morts au combat en Syrie, d’autres ont été perdus de vue. Les autorités politiques ont toutefois tardé à prendre Sharia4Belgium au sérieux, comme elles l’avaient fait pour d’autres groupes, à Molenbeek ou ailleurs.

Aujourd’hui incarcéré à la prison d’Hasselt, dans le Limbourg, Fouad Belkacem a correspondu avec un journaliste de Humo. Il soutient que la Sûreté de l’Etat l’aurait approché à « trois ou quatre » reprises. Il aurait refusé ce débauchage et explique qu’il est « vendeur de voitures, pas de musulmans ». Son refus, poursuit-il, aurait entraîné le lancement d’une procédure visant à le priver de sa nationalité belge, qu’il a acquise automatiquement en 1997, à la suite de la naturalisation de ses parents, d’origine marocaine.

« Racisme institutionnel »

La cour d’appel d’Anvers a effectivement l’intention de le priver de son passeport belge en raison de ses activités terroristes. Elle a demandé un avis à la Cour constitutionnelle sur cette procédure inédite. Si la démarche de la justice aboutit, M. Belkacem redoute d’être livré aux autorités marocaines qui, selon lui, pourraient l’assassiner.

Se livre-t-il à une manœuvre qui lui permet, au passage, de dénoncer « le racisme institutionnel » qui prévaudrait en Belgique et prouverait que « l’enfant d’un étranger est et reste un étranger » ? En affirmant qu’il sera privé de sa nationalité parce qu’il a refusé de jouer les indicateurs, le militant fondamentaliste tente apparemment de peser sur la décision des juges.

Refusant tout commentaire officiel, la Sûreté affirme quant à elle qu’elle n’a pas le pouvoir de peser sur les libérations anticipées et qu’elle ne songe pas à recruter des individus dotés d’un profil aussi marqué, par ailleurs trop difficiles à contrôler. La RTBF affirmait toutefois, dans son journal télévisé du mardi 3 janvier, qu’une source dans les services de renseignement lui avait confirmé « au moins une tentative » d’approche M. Belkacem au cours de sa détention.

Il est clair, en tout cas, que les services belges ont, comme d’autres, recruté des personnalités aux activités plus que douteuses dans le but de renforcer les moyens de lutte antiterroriste. La volonté du parquet fédéral de classer, en 2014, le dossier d’Abdelkhader Belliraj, avait beaucoup étonné : cet autre Belgo-Marocain a été condamné, en 2010, à la réclusion à perpétuité à Rabat. Il a avoué six assassinats, dont celle d’un dirigeant de la communauté juive de Belgique. Proche d’Al-Qaida et du Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien, l’intéressé était un agent double, voire triple, et aurait notamment été recruté par la Sûreté belge. Ses informations auraient permis le démantèlement d’une cellule en Grande-Bretagne, en 2005.