Au siège de la banque BNP Paribas, à Paris, en novembre. | ERIC PIERMONT / AFP

Encore un moment, Monsieur le bourreau ! La décision des autorités de régulation mondiales, réunies mardi 3 janvier au sein du comité de Bâle, de suspendre leurs travaux d’harmonisation des normes a été accueillie avec un ouf de soulagement par les banques européennes. Ces dernières vivent comme un chemin de croix interminable leurs années d’après crise. Certaines luttent sans relâche pour leur survie, notamment en Italie ou en Allemagne, et toutes les autres subissent un déclassement mondial face à leurs rivales américaines voire chinoises. Les banques européennes ne se portent par bien alors qu’elles financent 70 % de l’économie européenne soit trois fois plus que leurs homologues d’outre Atlantique.

Rares sont les pays dans le monde où l’on aime ses banquiers. Toujours suspects de s’enrichir aux dépens de ceux qui font un « vrai » métier, on les déteste d’autant plus qu’on les sait indispensables. Et les poussées populistes qui ont porté la victoire du Brexit en Grande Bretagne et celle de Donald Trump aux Etats-Unis ont largement joué de cette corde sensible qui remonte loin, notamment en France. Jacques Coeur, le sauveur des finances de Charles VII, a fini en prison et les Templiers sur le bûcher. Sans vouloir leur réserver le même sort, Arnaud Montebourg a jugé, mardi 3 janvier sur RTL, que les bénéfices des établissements français étaient « démentiels » et méritaient un prélèvement sérieux pour financer sa politique de baisse de la CSG pour les ménages modestes.

Déséquilibre considérable

Pourtant, la première banque européenne en capitalisation boursière, BNP Paribas, pointe à la 17e place mondiale et vaut quatre fois moins cher que le leader toute catégorie, l’Américain JP Morgan Chase. Si l’homme de la rue ne le remarque pas car elles sont absentes du secteur des particuliers en Europe, les établissements américains ont imposé leur loi dans le domaine du prêt aux entreprises et aux Etats. Et ce déséquilibre, au lieu de se réduire à la faveur de la crise financière venue de Wall Street, s’est agrandi considérablement. Les Etats-Unis ont réagi plus vite et plus fort pour renflouer leurs banques et les pousser à se restructurer.

Assainies et puissantes, elles peuvent orienter en leur faveur les règles mondiales du secteur définies par le comité de Bâle, qui réunit les régulateurs du monde entier. L’objectif est incontestable, puisqu’il s’agit de renforcer les capitaux propres des établissements face aux prêts qu’ils accordent afin de limiter les risques de nouvelle crise. Le problème est que ces règles de prudence, supposées protéger les banques mais plus proches des pratiques américaines, pénalisent au premier chef leurs homologues européens, et par ricochet la croissance de leurs pays. L’enjeu de souveraineté est donc réel au moment où le futur président Trump promet déjà d’assouplir les règles dans son pays, pour rendre ses champions encore plus agressifs. Migraines en perspective.