Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen, au salon international de défense Eurosatory, le 15 juin 2016. | THOMAS SAMSON / AFP

Casser la droite pour en récupérer des morceaux plutôt que de s’allier avec elle. Marine Le Pen ne dévie pas de sa stratégie à la tête du Front national depuis six ans. La candidate du parti d’extrême droite à la présidentielle a réaffirmé en des termes très clairs son hostilité envers un possible accord avec la droite ou certains de ses représentants dans une interview accordée au mensuel Causeur du mois de janvier.

« L’union des droites est un fantasme réducteur, estime la députée européenne dans cet entretien. J’ai 48 ans et ça fait quarante ans que j’en entends parler. Le problème des gens qui défendent cette idée, c’est que la droite refuse de s’allier avec nous. Or, même sous les socialistes, il faut être deux pour se marier ! » Hors de question, donc, d’envisager une quelconque alliance à l’occasion des élections législatives, en juin. Pas même de dresser une « liste blanche » de personnalités face auxquelles le FN consentirait à se retirer pour favoriser leur élection, et ainsi élargir le cercle des amis du parti lepéniste.

Cette idée a été défendue, entre autres, par Marion Maréchal-Le Pen, chaude partisane de l’union des droites – même si elle ne défend pas une alliance avec le parti Les Républicains. « A partir du moment où nous avons fait une liste noire de gens à faire battre aux législatives de 2012, nous pourrions faire une liste blanche de ceux qui sont cohérents », expliquait au Monde la députée du Vaucluse, en février 2016. Cette dernière reconnaît par exemple apprécier des élus comme Thierry Mariani, député LR des Français de l’étranger, ou son collègue des Yvelines Henri Guaino.

« Cette proposition de liste blanche va à l’encontre de notre jurisprudence, juge Marine Le Pen dans Causeur. Cela devrait donc être débattu et tranché par le bureau politique. (…) Un non-maintien [au second tour des législatives] est ponctuellement envisageable quand on arrive troisième, pas quand on est en première ou en deuxième position comme ce sera le cas dans l’immense majorité des circonscriptions. J’y vois un peu un débat de pessimistes à qui je dis de ne pas avoir peur de la victoire. » Après qu’elle a été recadrée sur sa volonté de revenir sur le remboursement de l’avortement, la liste des amabilités s’allonge donc pour Mme Maréchal-Le Pen.

Remplacer ses adversaires

« L’union des droites, ce n’est pas possible, c’est un rêve, assurait déjà Mme Le Pen au Monde en septembre 2016. Il y a une différence de nature entre les dirigeants de LR et nous. Nous sommes radicalement différents sur l’économie, sur l’Union européenne. Il n’a jamais été question d’un accord avec la droite, il n’y en aura pas. » Comme son père, Jean-Marie Le Pen, qui a porté le credo du « ni droite ni gauche » à partir des années 1990, quand son numéro deux Bruno Mégret défendait, lui, une ouverture vers la droite, la présidente du Front national ne veut pas connaître le sort du MSI en Italie, qui a disparu après s’être allié avec le centre droit en 1995.

La candidate à l’élection présidentielle entend plutôt remplacer ses adversaires. Son discours des derniers mois tend à créer un équilibre dans ses propositions pour convaincre les électeurs de droite qu’elle n’est pas une femme « de gauche » – elle a assuré sur RMC, mardi, vouloir baisser les impôts, ou s’est encore prononcée en faveur d’un retour aux heures supplémentaires défiscalisées. Depuis plusieurs années, le parti lepéniste vit en effet dans l’hypothèse d’une recomposition de la vie politique. « On passe par une tripolarisation de la vie politique française. Or, sauf à passer à une VIRépublique, la Ve va imposer à nouveau une bipolarisation, c’est la logique des institutions. Cela se fera entre l’UMPS d’un côté et le Front national-Rassemblement Bleu Marine de l’autre », assurait Mme Le Pen en 2014.

La désignation qui était pressentie d’Alain Juppé comme candidat de la droite laissait espérer que la frange la plus droitière du parti Les Républicains se tourne vers le FN en prévision des législatives. Plusieurs dizaines de circonscriptions ont même été laissées vacantes par le parti, notamment en prévision d’éventuels ralliements. Las, la victoire de François Fillon à la primaire de la droite risque de bloquer en partie ces velléités.