Suspension de tous les projets de coopération avec le Sénégal, rappel pour consultations de l’ambassadeur d’Israël à Dakar, annulation de la prochaine visite du ministre sénégalais des affaires étrangères Mankeur NDiaye à Tel-Aviv, report sine die de la présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur du Sénégal en Israël : le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a manifestement choisi la manière forte pour réagir à la décision du Sénégal de porter devant le Conseil de sécurité la résolution condamnant la poursuite de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés.

Coparrainée avec la Malaisie et le Venezuela, la résolution adoptée le 23 décembre 2016, avec l’abstention des Etats-Unis, exhorte l’Etat juif « a cessé immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoires palestiniens occupés » y compris Jérusalem-Est.

Ne pouvant sanctionner ni le Venezuela, ni la Malaisie, pays avec lesquels Israël n’entretient pas de relations diplomatiques, M. Nétanyahou a donc sorti le rouleau compresseur contre le Sénégal. Si elle donne des gages à une certaine frange de l’opinion publique israélienne, la posture envers Dakar peut, à terme, se révéler peu efficace, voire totalement contre-productive. En effet, les projets de coopération israélo-sénégalais en cours sont d’une portée symbolique. L’impact attendu de leur suspension n’équivaut pas aux dommages diplomatiques que cette mesure peut entraîner. Elle a, en revanche, eu le mérite de redonner du grain à moudre à ceux qui, dans l’opinion sénégalaise, n’ont jamais totalement accepté la décision du président sénégalais de l’époque, Abdou Diouf, de rétablir en 1995 les relations diplomatiques entre son pays et Israël. « Qu’avons-nous à perdre en cas de retrait de l’aide israélienne, bien trop conditionnelle et relativement modeste ?, s’est interrogé dans une tribune publiée le 27 décembre l’écrivain sénégalais Fadel Dia. Très peu, en tout cas, pas l’honneur. »

Contexte défavorable

Diouf avait alors fait preuve d’un certain courage politique pour s’affranchir de la résolution adoptée en 1973 par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), au tout début de la guerre du Kippour, pour demander à tous ses membres de rompre collectivement leurs relations diplomatiques avec Israël.

Par ailleurs, la « surréaction » de M. Nétanyahou face au Sénégal semble inappropriée au regard du contexte actuel de la tentative de retour en force d’Israël en Afrique. Signe de cette volonté de retrouver l’embellie d’avant 1973, période pendant laquelle l’Etat disposait d’une trentaine d’ambassades en Afrique, le premier ministre israélien a effectué en juillet 2016 une tournée historique en Ouganda, au Kenya, au Rwanda et en Ethiopie. Tel-Aviv avait, un mois plus tôt, mis en place un fonds de près de 11,7 millions d’euros pour redynamiser ses relations économiques avec l’Afrique et renforcer son influence diplomatique sur le continent. Or l’Afrique de l’Ouest reste encore une des sous-régions où les Etats sont toujours attachés à la résolution de l’OUA de 1973 adoptée en solidarité avec l’Egypte. En fragilisant le Sénégal, qui a fait un choix différent, Benyamin Nétanyahou ne favorise pas le retour gagnant de son pays en Afrique de l’Ouest, même si des relations diplomatiques et économiques existent déjà avec le Togo, le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana.

De toute évidence, le premier ministre israélien a engagé ces représailles contre le Sénégal sous le coup de la colère qui n’est pas forcément bonne conseillère. Surtout en diplomatie.

Seidik Abba, journaliste et écrivain, auteur de La Presse au Niger. Etat des lieux et perspectives, Paris, l’Harmattan, 2009.