« Chantal Akerman, Maniac Shadows », 2013, jusqu’au 19 février à la Ferme du Buisson, allée de la Ferme, Noisiel (Seine-et-Marne). | Emile Ouromov/ Chantal Akerman Estate et M. Goodman Gallery

En entrant à la Ferme du Buisson, centre d’art contemporain à Marne-la-Vallée, on voit d’abord sur un grand écran le visage de Chantal Akerman. La cinéaste belge lit, en 2013, un extrait de son roman Ma mère rit. Dans une salle à droite, un triptyque fait se confronter des plans filmés chez sa mère, à Bruxelles, chez elle, à Paris, ainsi qu’à New York et Tel Aviv. Sont également projetées des images qui disparaissent comme des mirages, et deux de ses films : son tout premier, Saute ma ville (1968), et La Chambre (1972).

L’exposition « Chantal Akerman : Maniac Shadows » a lieu un an après la mort de la réalisatrice, survenue le 5 octobre 2015 à Paris, à l’âge de 65 ans. Mais ce n’est ni un testament ni une rétrospective. L’événement est né en 2014 du désir de l’artiste, auteure des films Jeanne Dielman et La Captive, et de Julie Pellegrin, directrice de la Ferme du Buisson. Les deux femmes ont eu le projet de présenter pour la première fois en France Maniac Shadows, installation vidéo créée en 2013 au centre d’art contemporain The Kitchen, à New York, et présentée à Londres dans la foulée. « Jusqu’ici, Chantal Akerman n’avait jamais été contente de la manière dont avait été mise en scène cette installation », raconte Julie Pellegrin. Avec le décès de la cinéaste, la donne est donc bouleversée.

« On a toujours eu un dialogue ininterrompu, Chantal et moi. Mais cette fois-ci, j’ai été obligée de le mener en imaginant ce qu’elle aurait dit. » Sonia Wieder-Atherton, violoncelliste

Claire Atherton, monteuse de ses films et partenaire de création sur presque tous ses projets, endosse alors la responsabilité morale et artistique de l’exposition. « Chantal avait donné des indications écrites, mais pas de concept. Elle était extrêmement intuitive. Elle avait des idées en fonction de l’espace où elle exposait. Ces idées lui venaient très rapidement. C’était presque des visions », explique avec finesse la plus proche collaboratrice de la cinéaste. Elle ajoute que, pour Chantal Akerman, une installation ne se décrivait pas à l’avance, ne s’anticipait pas, et naissait dans le travail lui-même. Il a donc fallu adapter Maniac Shadows à la Ferme du Buisson, « en présentant la lecture et le triptyque dans un ordre différent, en proposant une nouvelle écriture spatiale de l’installation ».

Sa sœur, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, qui a partagé la réflexion et la vie de la cinéaste pendant de nombreuses années, accompagne aussi l’exposition en proposant ponctuellement (en live) un dialogue musical avec le film Saute ma ville. « Je ne voulais pas faire un concert, mais plutôt que ma présence se faufile dans l’exposition, qu’elle soit chuchotante et intime », explique-t-elle. Avant de conclure : « On a toujours eu un dialogue ininterrompu, Chantal et moi. Mais cette fois-ci, j’ai été obligée de le mener en imaginant ce qu’elle aurait dit. »

« Chantal Akerman, Maniac Shadows », jusqu’au 19 février. Ferme du Buisson, allée de la Ferme, Noisiel, Seine-et-Marne. www.lafermedubuisson.com