En 2016, Facebook live, l’outil de diffusion de vidéos en direct de Facebook, a fait à plusieurs reprises la « une ». Utilisé en juin par le terroriste Larossi Abballa pour revendiquer l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville, le service, très simple d’usage, avait permis à des témoins de la tuerie de Dallas (Texas), le 7 juillet, de publier en direct des images de la fusillade – au cours de laquelle 5 policiers avaient été tués –, ou de filmer une altercation durant laquelle un policier a tué, sans raisons apparentes, un automobiliste lors d’un contrôle.

Etat-Unis : sur "Facebook live" elle diffuse la mort de son compagnon en direct
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Le 5 janvier, c’est une scène d’horreur d’un autre type qui a été diffusée en direct : celle d’un homme attaché et bâilloné, dans la banlieue de Chicago, frappé à plusieurs reprises par quatre assaillants aux cris de « nique Trump » et « nique les blancs ». La police de Chicago a annoncé avoir arrêté les quatre auteurs présumés des coups, expliquant que la personne vue dans la vidéo souffrait de problèmes psychiatriques.

Selon la presse américaine, la vidéo a été vue environ 16 000 fois avant d’être supprimée par Facebook – mais des copies ont été publiées sur d’autres sites, dont YouTube. La victime, menacée de mort à un moment de la vidéo, a été retrouvée en état de choc par la police lors d’une patrouille de routine. Selon les premiers éléments de l’enquête, elle connaissait ses assaillants ; ses jours ne sont pas en danger.

Le mois dernier, les morts de plusieurs personnes ont été diffusées en direct sur Facebook live aux Etats-Unis. La vidéo de deux hommes de 18 et 19 ans, tués dans un accident de la route début décembre en Pennsylvanie, a été vue 7 000 fois avant sa suppression – le passager venait de débuter une diffusion en direct quand leur véhicule a été percuté par un camion. En Floride, la police enquête également sur le suicide d’une jeune fille de douze ans, qui aurait filmé sa pendaison en direct, selon plusieurs témoignages – les enquêteurs cherchent encore à confirmer l’existence de cette vidéo.

Vive émotion après la mort d’une mère de famille

Mais c’est surtout la mort en direct d’une jeune mère de famille, dans l’Arkansas, qui a suscité de très vives réactions. Atteinte d’un cancer de la thyroïde, Keiana Herndon, 25 ans, se filmait quotidiennement en vidéo, à destination de ses amis. Le 28 décembre, elle a fait un malaise fatal alors qu’elle était en direct sur le réseau social avec son enfant. Un ami est venu à son secours une demi-heure plus tard, mais la jeune femme était déjà morte.

La famille de Keiana Herndon s’en est violemment prise aux personnes qui ont regardé la vidéo, ne comprenant pas pourquoi personne n’avait appelé les secours, « alors que le nombre de spectateurs ne cessait d’augmenter ». « Comment peut-on simplement rester là, alors qu’elle s’est évanouie, et que l’on entend le bébé pleurer ? Je ne comprend pas comment une personne peut rester là à regarder une personne mourir devant son enfant, ou partager la vidéo d’un enfant qui voit sa mère mourir », a déclaré son oncle au Washington Post.

En juillet, Facebook avait annoncé un renforcement de ses équipes de modération dédiées aux vidéos en direct, pour éviter la diffusion d’images choquantes, avec la mise en place d’une « équipe présente 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour traiter les signalements immédiatement ». Le réseau social ne supprime pas automatiquement les vidéos violentes ou choquantes, et les vidéos ne sont examinées qu’après avoir été signalées par des utilisateurs.

Le cas complexe du suicide

Mais plus que l’efficacité de la modération de Facebook, c’est surtout l’attitude des spectateurs qui a suscité un vif débat aux Etats-Unis. Un débat qui avait eu lieu en France en 2016, après le suicide d’une jeune femme en direct sur l’application Periscope, concurrent de Facebook live.

La plupart des réseaux sociaux, dont Facebook, n’ont pas attendu le développement de la vidéo en direct pour mettre en place des systèmes de prévention du suicide, notamment en nouant des partenariats avec des associations spécialisées. Mais le sujet reste particulièrement délicat, comme en témoignent les règles internes de modération de Facebook, en partie révélées par la Süddeutsche Zeitung en décembre : elles prévoient notamment que les images d’automutilation, y compris de blessures ouvertes, ne « doivent être supprimées que si elles incitent d’autres personnes à faire de même. Dans les autres cas, les images doivent rester en ligne pour que les amis de la personne puissent voir cet appel à l’aide », note le manuel interne.