La fusée Falcon-9, en janvier 2016, en Californie. | BILL INGALLS / AFP

Lancement capital pour SpaceX. Quatre mois après l’explosion de sa fusée Falcon-9, la société spatiale américaine s’apprête à remettre en marche son programme, estimant avoir identifié et corrigé les causes de l’incident. Le prochain tir est prévu dimanche 8 janvier en Californie.

« Une réussite permettrait de rapidement tourner la page », note Marco Caceres, analyste chez Teal Group, un cabinet de conseils spécialisé dans l’aérospatiale. En revanche, un nouvel échec alimenterait encore plus les incertitudes sur la fiabilité des lanceurs de SpaceX, remettant potentiellement en cause le modèle industriel low cost de la société fondée par Elon Musk.

En juin 2015, une fusée Falcon-9 avait déjà été détruite en vol, au cours d’une mission de ravitaillement de la station spatiale internationale (ISS). Les fusées de SpaceX avaient alors été clouées au sol pendant six mois. Elles avaient depuis enregistré neuf lancements consécutifs réussis.

« Méthode non conventionnelle »

L’explosion du 1er septembre 2016 s’est, elle, produite sur le pas de tir de Cap Canaveral, en Floride. Fait extrêmement rare, elle est intervenue avant le lancement, lors d’essais préparatoires. Le satellite de communication Amos-6, d’une valeur de 200 millions de dollars (189 millions d’euros), que Falcon-9 devait placer en orbite a également été détruit. Il appartenait à l’opérateur de satellite israélien Spacecom et devait en partie être utilisé par Facebook afin de fournir une connexion à Internet dans plusieurs pays africains.

Selon l’entreprise, l’incident a été provoqué par une fuite lors du remplissage des réservoirs, a-t-elle indiqué lundi 2 janvier dans un communiqué détaillant les conclusions de l’enquête menée depuis quatre mois en collaboration avec la NASA ou encore l’US Air Force. Contrairement à ses concurrents, SpaceX n’effectue cette procédure que trente minutes avant le lancement.

« Cette méthode non conventionnelle représente un risque supplémentaire, explique M. Caceres. Mais elle permet également de transporter des charges utiles plus lourdes. » La société assure avoir résolu ce problème, tout en reconnaissant qu’il sera nécessaire à long terme de revoir la conception de ses fusées.

Le carnet de commandes affiche complet

En cas de succès dimanche (ou dans les jours qui suivent car un report est possible), SpaceX tentera de rattraper le temps perdu. Une dizaine de lancements ont été annulés fin 2016. Le prochain tir, au cours duquel Falcon-9 doit transporter dix satellites pour le compte de la société américaine Iridium, était initialement prévu mi-septembre. Une mission de ravitaillement d’ISS doit également être de nouveau planifiée.

Face à ses rivaux, comme le groupe européen Arianespace, SpaceX ne peut pas se permettre un nouvel échec. La société, qui s’impose un rythme de production effréné, risquerait en effet de perdre l’avantage procuré par sa politique tarifaire très agressive. « De nouveaux échecs au cours des prochaines années ne disqualifieraient pas nécessairement SpaceX », nuance M. Caceres, soulignant que la demande de mise en orbite de satellites est nettement plus élevée que l’offre.

Le carnet de commandes de SpaceX affiche déjà complet pour plusieurs années. Environ 70 lancements sont déjà prévus, pour un montant estimé à 10 milliards de dollars. Depuis septembre, l’entreprise californienne n’a perdu qu’un seul contrat : un satellite d’Inmarsat, qui sera finalement transporté par Ariane-5 au deuxième trimestre. Cet opérateur britannique, qui assure conserver son entière confiance à SpaceX, justifie son choix par des contraintes de calendrier : il a signé fin 2016 un contrat pour fournir, dès cet été, du Wi-Fi à bord des avions des différentes compagnies du groupe British Airways.

Pression sur les concurrents

L’explosion de septembre pourrait cependant affecter d’autres programmes de SpaceX. Sa capsule Dragon a notamment été sélectionnée par la NASA pour acheminer des astronautes vers la Station spatiale internationale. D’ores et déjà, le premier vol habitué, prévu cette année, a été repoussé. Il n’interviendra pas avant 2008, dans le meilleur des cas.

Autre contretemps possible : l’entrée en service de son programme de réutilisation des fusées. A terme, M. Musk espère se servir du premier étage de sa fusée pour une douzaine de lancements, ce qui permettrait de fortement réduire les prix. Les analystes de Jeffries estiment que l’économie pourrait atteindre jusqu’à 40 % pour les clients de SpaceX. De quoi accentuer encore plus la pression sur ses concurrents.

Après plusieurs tentatives infructueuses, SpaceX est parvenu en avril à récupérer la première partie de sa fusée Falcon-9, revenue se poser sur une barge située en pleine mer après avoir mis en orbite une capsule Dragon. Le 30 août 2016, deux jours avant l’explosion, l’opérateur de satellites luxembourgeois SES avait accepté d’utiliser cet étage recyclé. Ce lancement aurait dû intervenir en 2016.

« Même si seulement une partie de l’entreprise travaille sur ce projet, l’échec d’un lancement accapare l’essentiel de l’énergie pendant plusieurs mois, ce qui retarde les autres programmes », note M. Caceres. Cela concerne également le projet fou de coloniser mars.