Ce devrait être un heureux événement pour Air France. Vendredi 6 janvier, le premier Boeing 787 va intégrer la flotte long-courrier de la compagnie aérienne. « C’est clairement une bonne nouvelle », se réjouit déjà un pilote, sous couvert d’anonymat. Selon lui, le nouvel appareil est « un avion compétitif ».

Dernier né de la gamme de Boeing, le 787 est plus performant et, surtout, moins gourmand en carburant que les « vieil » Airbus A340 qu’il va progressivement remplacer dans la flotte d’Air France. Un argument imparable, au moment ou les cours du pétrole remontent. D’ici à 2019, dix Boeing 787 devraient arriver chez Air France.

La compagnie franco-néerlandaise a commandé trente-sept exemplaires de ce long-courrier, seize pour Air France et vingt et un pour KLM. La compagnie aérienne a préféré mettre la main à la poche. Sur les seize nouveaux appareils prévus pour Air France, treize ont été achetés et seulement trois seront loués.

« Un projet pas abouti »

Il n’empêche, l’arrivée du 787 ne devrait pas contribuer, à elle seule, à alléger le climat social au sein de la compagnie aérienne, où les négociations entre salariés et direction viennent de reprendre. Les pilotes ne débordent pas d’enthousiasme. Ils ont encore en mémoire « le chantage de la direction précédente » d’Air France : « Soit vous signez le plan Perform, ce qui signifie 17 % d’effort de productivité, soit vous n’aurez jamais les 787 », se souvient-on du côté du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

Avec l’arrivée de Jean-Marc Janaillac, l’heure semble à la relance de la compagnie. Toutefois, s’inquiètent les pilotes, les fondamentaux n’ont pas vraiment changé. « Nous nous retrouvons avec les mêmes interlocuteurs qu’avant la grève. Ils nous présentent un projet pas abouti, qui ne vise qu’à réduire les coûts salariaux », déplorent les pilotes, qui ont commencé, mercredi 4 janvier, une nouvelle phase de négociations.

Même scepticisme du côté des syndicats d’hôtesses et de stewards, qui, eux, ont entamé de nouvelles discussions avec la direction, jeudi 5 janvier. Une première entrevue mi-figue, mi-raisin, même si les organisations représentatives des personnels navigants commerciaux (PNC) veulent rester optimistes.

« Posture »

Les pourparlers ont commencé « doucement », souligne Eric Chauvel, vice-président de l’Union des navigants de l’aviation civile (UNAC). A l’occasion de ce premier rendez-vous, la direction a exprimé « l’objectif de l’entreprise, qui est de dégager 1,5 % d’effort de productivité supplémentaire par an pendant cinq ans, soit 7,5 % sur cinq ans », précise M. Chauvel. En outre, la direction voudrait aussi obtenir, selon l’UNAC, « une distribution du glissement vieillesse technicité un peu plus linéaire ».

En clair, Air France voudrait étaler davantage dans le temps l’avancement des carrières – ancienneté et promotion – des hôtesses et des stewards, afin que cela lui coûte moins cher. Malgré cette volonté « de réductions des coûts » affichée par la direction, un autre syndicat représentatif souhaite « laisser sa chance à la négociation ». A l’en croire, ce projet « posé sur la table » par Air France pourrait être seulement « une posture ». Un point de départ. En revanche, certains syndicats d’hôtesses et de stewards s’opposent à de nouvelles suppressions de postes.

« Situation ubuesque »

« Nous estimons en avoir déjà assez fait, s’insurge une organisation de PNC, notamment en matière de réductions d’effectifs. » Selon ce syndicat, la purge aurait été tellement drastique qu’« aujourd’hui, les PNC d’Air France sont en sous-effectif ». Pour assurer son activité en 2017, la compagnie serait contrainte à recruter des hôtesses en « contrats de professionnalisation ou des PNC étudiants », l’été.Soit l’équivalent de plus de « 300 équivalents temps plein », selon le syndicat représentatif, qui dénonce « ces emplois précaires » et « une situation ubuesque ».

Pour cette première rencontre avec Air France, les syndicats enregistrent toutefois « un point positif dans la négociation ». La direction satisfait leur revendication d’obtenir une reconduction de longue durée de leur accord collectif. Air France propose « cinq ans », contre trois ans auparavant aux PNC. « Notre mandat est de signer un accord, pas de faire grève », explique une organisation.

Pourtant, les syndicats surveillent de près le projet Boost de compagnie long-courrier à bas coûts préparé par la direction. L’UNAC ne souhaite surtout pas la mise œuvre de « deux régimes d’utilisation dans la même entreprise ». Des PNC employés dans la même compagnie, mais avec des contrats différents. « Comme chez British Airways », se récrie M. Chauvel. Un tel projet serait « un casus belli ».