François Hollande à l’inauguration de l’entreprise Eyrein Industrie, le 6 janvier. | MEHDI FEDOUACH / AFP

La tournée des adieux se poursuit. Dégagé des impératifs de la campagne présidentielle depuis sa renonciation du 1er décembre, François Hollande avait décidé de passer deux jours – vendredi et samedi – dans son ancien fief corrézien, pour délivrer ses traditionnels vœux aux territoires.

Arrivé en Falcon de Mont-de-Marsan (Landes), où il a adressé dans la matinée ses vœux aux armées, le chef de l’Etat a d’abord inauguré le nouveau siège d’une entreprise (Eyrein Industrie) à Eyrein, à 20 km de Tulle. L’occasion de faire part de son « émotion », d’un certain nombre de « souvenirs » et d’évoquer le « lien » qui l’attache à la population de ce département qu’il a hanté plusieurs décennies, comme député, maire ou président du conseil général.

« Ce sont mes derniers vœux en tant que président de la République », a lancé M. Hollande devant un parterre d’invités, en rappelant qu’il avait passé « trente-cinq ans de sa vie en Corrèze », un département dont il connaît « toutes les communes » et où il a ses « habitudes ». L’occasion d’une « pensée » pour Jacques Chirac, issu du même territoire et ancien président, comme lui-même le sera aussi dans quatre mois. Le chef de l’Etat a ajouté qu’il était « corrézien d’adoption » mais qu’il reviendrait, après 2017, comme simple « citoyen ».

François Hollande, qui s’est entretenu à son arrivée à l’aéroport de Brive-la-Gaillarde avec une délégation de syndicalistes d’une entreprise creusoise en redressement judiciaire, a profité de cette tournée corrézienne pour adresser quelques messages politiques, comme il l’avait fait lors de son allocution radiotélévisée du 31 décembre dernier. « Imaginez un département comme la Corrèze sans fonction publique », a-t-il ainsi insisté, reprenant le fil de son débat à distance avec François Fillon, qui propose de réduire de manière drastique le nombre de fonctionnaires.

Symbole fané

Mêmes messages subliminaux sous les lambris de la préfecture de Tulle, où le chef de l’Etat a décoré vendredi en fin d’après-midi une poignée de personnalités, pour la plupart issues de la fonction publique, à laquelle il a rendu hommage. « Il ne faut jamais brutaliser si on fait passer des réformes », a-t-il ajouté, alors que Manuel Valls, candidat à la primaire de la gauche, reste embourbé dans ses contradictions autour du 49-3, véritable scotch du capitaine Haddock.

Cultivant involontairement une forme de nostalgie, François Hollande a plusieurs fois évoqué la nécessaire « continuité » dans la gestion des affaires de l’Etat. « Les présidents [de la chambre de commerce et d’industrie de Corrèze] pouvaient changer mais Valérie Andrieu était toujours là », a-t-il observé en décorant la secrétaire générale de l’institution. « Pour un président de la République, c’est la même chose, mais je n’ai pas encore identifié la personne qui va jouer ce rôle… », a-t-il tenté de plaisanter, dans un sourire jaune.

En décorant ensuite Marie-Hélène Sebert, qui a œuvré pour les anciens combattants, M. Hollande a observé qu’il s’agissait d’un milieu « difficile ». Et laissé échapper ce qui pouvait sonner comme un regret : « Rien de plus rude que d’avoir donné son temps, son sang, et de ne pas avoir la reconnaissance de la nation. »

Devant chaque récipiendaire, le président en a profité pour évoquer une anecdote ou un souvenir qui ont tissé sa vie politique, au moment où celle-ci doit prendre un tour différent. « Ah j’en ai fait des réunions dans cette salle des fêtes ! », a-t-il ainsi lancé au préfet de Corrèze. Puis M. Hollande, que beaucoup ne voient plus désormais qu’en président condamné à inaugurer les chrysanthèmes, a multiplié les photos de famille devant un immense sapin de Noël, ceint de guirlandes immaculées. Symbole fané.

« L’envie de faire la fête »

Interrogé à l’issue de la cérémonie sur cette tournée des adieux, le chef de l’Etat a préféré évoquer une « tournée des retrouvailles » pour les Corréziens. « Pour eux, ce ne seront pas des adieux, mais des retrouvailles plus fréquentes », a-t-il tenté de convaincre, sans y croire. « Ils sont ici [à Tulle] à la fois heureux et malheureux, a-t-il poursuivi. Heureux parce qu’ils me retrouvent. Mais malheureux parce qu’ils se disent que ça aurait pu continuer… Il y a donc une forme de tristesse. »

Une tristesse qui est aussi la sienne, incontestablement. Interrogé sur d’éventuels regrets, après sa renonciation historique, le chef de l’Etat a étrangement botté en touche. Il n’a pas confessé en avoir eu le moindre. Mais il n’a pas nié non plus en avoir eu. Avant de répéter une nouvelle fois le mot « tristesse ».

S’abritant derrière les Corréziens (de gauche) qui, selon lui, voudraient « éviter la division » et « trouver des solutions » pour accéder au « deuxième tour » de la présidentielle et « gagner », le chef de l’Etat a donc délivré de manière indirecte ses recommandations pour la primaire qui vient. « Pour les électeurs qui ne sont pas de gauche, je suis leur président et je le serai jusqu’au bout, a-t-il ajouté. Ils sont attachés à moi. Il existe un lien personnel au-delà de la politique. »

Avant d’aller dîner avec des élus corréziens, M. Hollande s’est invité aux vœux du maire de Saint-Mexant, une commune de 1 300 habitants, située à 12 km de Tulle. « Ce qui m’a toujours fait plaisir ici, c’est que malgré les épreuves, il y a toujours l’envie de partager, d’être ensemble, de faire la fête », a-t-il confié. En dépit d’une jovialité de façade, les plaies sont loin d’être refermées.