La justice française a décidé, vendredi 6 janvier, que le rappeur tunisien Weld El 15, installé à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), pourrait rester en France malgré ses liens d’amitié avec le membre de son groupe, Emino. Celui-ci, passé par la Libye et la Syrie, serait mort au combat à Mossoul (Irak), en novembre, d’après la presse tunisienne, en combattant aux côtés de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI).

La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté le recours de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, qui avait fait appel le 22 décembre 2016 de l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’elle avait signifiée au rappeur. Les motivations des juges nantais devraient être communiquées en début de semaine prochaine.

Ala Edine Yacoubi, de son vrai nom, avait déjà obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Rennes en juillet 2016. Les juges rennais avaient ordonné à l’Etat de lui accorder le titre de séjour qu’il attend depuis huit mois.

L’artiste avait été nominé en 2014 pour le prix Sakharov – qui récompense « la liberté de l’esprit » de ses lauréats, comme Nelson Mandela (Afrique du Sud) ou Aung San Suu Kyi (Birmanie) – après ses démêlés avec la justice tunisienne : elle l’avait condamné à deux ans de prison ferme en 2013 pour avoir « outragé » la police dans la chanson qui l’a rendu célèbre, Boulicia Kleb (« les policiers sont des chiens »), résultat d’un séjour en prison de neuf mois pour consommation de cannabis, en 2012.

La peine avait été ramenée en appel à six mois de prison avec sursis, mais le pourvoi en cassation déposé par les autorités tunisiennes faisait craindre au chanteur d’être incarcéré s’il venait à être reconduit dans son pays.

« Menace pour l’ordre public »

La préfecture d’Ille-et-Vilaine avait argué vouloir « temporiser » quant à sa demande de titre de séjour, invoquant un « comportement d’ensemble » qui représenterait « une menace pour l’ordre public » : outre ses liens d’amitié avec Emino, le membre de son groupe qui avait rejoint l’EI, elle invoquait aussi des « violences conjugales » et « une consommation de cannabis » ; ce que le rappeur ne conteste pas.

Même après la révolution qui a mis fin au pouvoir policier du président Ben Ali, la « loi 52 » – en référence à l’article du code pénal tunisien qui réprime la consommation de drogue – pèse comme une « une épée de Damoclès permanente », selon l’expression d’Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch (HRW). Cette situation alimente le ressentiment d’une partie de la jeunesse et entretient sa défiance vis-à-vis de la police.