Un « ami Facebook » est-il vraiment un ami ? La question est aussi ancienne que le réseau social – sur lequel il est commun d’avoir plusieurs centaines d’« amis », et où se mélangent proches, membres de la famille, et relations de travail dans le fil d’actualité.

La Cour de cassation a rendu publique, jeudi 5 janvier, une réponse toute juridique à cette question, estimant dans un arrêt que « le terme d’ami employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme ». Comme le rappelle le professeur de droit Bruno Dondero, la Cour avait été saisie du dossier d’un avocat au barreau de Paris, visé par une procédure disciplinaire. Ce dernier avait été sanctionné par le Conseil de l’ordre des avocats, mais il contestait cette décision, arguant notamment que des membres de la formation l’ayant sanctionné étaient « amis Facebook » avec des personnes impliquées dans le dossier, dont la plaignante.

Règle non écrite

La Cour d’appel lui avait donné tort, estimant que le fait d’être « en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme », et que « l’existence de contacts (...) sur le Web ne suffit pas à caractériser une partialité particulière ». Une décision que vient donc de confirmer par la Cour de cassation, qui note dans son arrêt que « l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession ».

En résumé, la Cour de cassation a confirmé une règle non écrite du réseau social : un ami Facebook peut être un ami, mais tous les amis Facebook ne sont pas des amis – ce qu’avait déjà estimé la Cour d’appel de Lyon, en 2014, dans un dossier où le plaignant considérait que le fait que le juge soit « ami Facebook » avec un avocat de la partie adverse posait un problème d’impartialité.

Mais si le fait d’être « ami Facebook » n’est pas un élément suffisant pour permettre de déduire un lien de proximité entre deux personnes, accepter de nouveaux « amis » n’est pas toujours neutre juridiquement. Contrairement à d’autres réseaux sociaux comme Twitter, il faut sur Facebook un accord des deux personnes pour qu’une relation s’établisse – et dans certains cas, pour pouvoir voir les publications de l’autre. Un élément qui est notamment utilisé par les services de renseignement – et apprécié par les tribunaux – pour déterminer si une personne en relation avec des individus fichés pour terrorisme. Et Facebook lui-même utilise parfois les « liens d’amitié » sur son réseau pour décider s’il doit procéder à la suppression d’un compte.