L’objet est à peine plus grand qu’une banale clef USB : 6 cm de long, 2,3 cm de large, 5 mm d’épaisseur. Quelques grammes seulement dans un corps couleur acier. A l’une de ses extrémités, une partie translucide laisse apparaître un circuit électronique. Son nom n’est pas encore commun, mais il aspire à le devenir.

Car, au-delà de son aspect engageant, de son design soigné et ­signé Philippe Starck, le petit objet en question promet de relever un sacré défi : signer la fin de la perte des objets quotidiens. Fixé au porte-clés, par exemple, il permet de retrouver le précieux passe en le faisant sonner ou en signalant son emplacement sur l’écran du téléphone mobile.

Il s’appelle Wistiki et pourrait être l’une des attractions du ­Consumer Electronic Show (CES) qui se tient à Las Vegas (Nevada) jusqu’au dimanche 8 janvier. Ses trois jeunes concepteurs, les frères Lussato – Bruno, 27 ans, Théo, 26 ans et Hugo, 24 ans – se sont appliqués à être visibles lors de cette grand-messe de l’électronique grand public.

« Un événement qui peut changer le destin de l’entreprise »

Tout d’abord, en ayant des annonces à faire : deux nouveaux modèles de Wistiki seront bientôt commercialisés. L’un profilé pour se glisser dans les portefeuilles. L’autre, tout en rondeur, destiné aux colliers des animaux de compagnie. Comme une forme de clin d’œil : puisque les grandes aventures commencent parfois par de petites histoires, les trois frères Lussato aiment à raconter que c’est en cherchant leur chat un rien fugueur que l’idée du Wistiki leur est venue. Une idée qui a déjà fait son chemin, mais qui compte aussi sur le CES pour lui servir de nouveau tremplin.

Pour que le Wistiki soit bien en vue, les trois frères ont réservé un espace de 200 mètres carrés. Ils ont convié tout le personnel de la start-up parisienne à faire le déplacement à Las Vegas. Une trentaine de personnes. Coût de l’opération : 200 000 euros. « Mais le CES est un événement qui peut potentiellement changer le destin de l’entreprise », assure Bruno Lussato.

Marché porteur

L’agenda est chargé pour les trois frères et leurs collaborateurs : séminaires, conférences, entretiens et, surtout, rencontres avec des investisseurs et des distributeurs pour conquérir de nouveaux marchés. Leader en France, Wistiki vise désormais l’international, et en particulier le marché américain.

Pour les trois frères Lussato, Las Vegas sera aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru en si peu de temps. En 2015, deux d’entre eux seulement avaient pu effectuer le voyage au CES, pour s’installer sur une toute petite ­surface du pavillon français dans l’Eureka Parc réservé aux toutes jeunes pousses. Wistiki avait dû puiser quelque 10 000 euros dans ses réserves. Une somme plus que coquette, à l’époque, pour la très jeune boîte. Lancée en 2014 avec quelques milliers d’euros d’économies familiales, elle est désormais valorisée à 30 millions d’euros !

Entre-temps, les trois frères ont eu l’inspiration de faire lar­gement appel au financement participatif. Bingo ! Sur MyMajorCompany, Wistiki a raflé, début 2014, plus de 80 000 euros en quelques semaines seulement. Un record. Le compteur est resté bloqué sur 275 571 euros, mais, au Japon, en mars 2016, sur une ­plate-forme locale (MotionGallery), la société a encore récolté la somme inédite de 40 millions de yens (plus de 320 000 euros). A ce jour, c’est la plus grande campagne de crowdfunding jamais réalisée au Japon.

58 % des Français stressés par la perte de leurs affaires

Il faut dire que le marché est porteur de jolies promesses. Si l’on en croit une étude réalisée par Ipsos en octobre 2016 pour le compte de la jeune entreprise, 58 % des Français se disent en effet stressés par la perte de leurs affaires. A l’échelle d’une vie, cela équivaudrait à deux mois pleins à chercher son chat ou ses clés. « L’équivalent de 1,2 milliard d’heures, soit le temps de travail de 659 000 personnes aux 35 heures durant une année », a calculé Théo Lussato.

Soit encore un manque à gagner de 11,5 milliards d’euros pour le pays. Selon le sondage Ipsos, 67 % des personnes interrogées aimeraient que leurs affaires sonnent afin de pouvoir les retrouver facilement. L’un des points forts de Wistiki est d’aller au-delà de cette simple fonction. Grâce au GPS du téléphone mobile, la dernière position à portée du Wistiki est en effet enregistrée. Mieux : grâce au réseau des utilisateurs, un trousseau de clés oublié dans un taxi peut être rapidement localisé.

Enfin, la nouvelle version destinée aux animaux de compagnie dispose d’une laisse électronique qui retentit chaque fois que le porteur s’éloigne un peu trop de son maître. Bien que chercher son chat donne parfois des idées.