Le premier ministre marocain Abdelilah Benkirane a annoncé, dimanche soir 8 janvier, mettre fin à ses négociations en cours avec deux partis pour la formation du futur gouvernement de coalition, un coup de théâtre qui augure d’une possible crise politique dans le pays.

M. Benkirane, qui tente depuis trois mois de former sa nouvelle majorité, avait annoncé vendredi qu’elle serait finalement constituée des quatre mêmes partis que sa coalition sortante, après leur avoir fait des propositions dans ce sens.

Dans un communiqué surprise publié dimanche soir, il a déclaré refuser de continuer de discuter avec deux de ces formations, le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Mouvement populaire (MP).

« Etant donné que toute question attend une réponse, qu’Aziz Akhannouch [président du RNI] devait me donner une réponse sous quarante-huit heures (…), et que celui-ci a préféré le faire via un plan de communication établi avec d’autres partis auxquels je n’ai posé aucune question, j’en conclus qu’il n’est pas en mesure de me répondre et qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les négociations avec lui », a déclaré M. Benkirane dans son bref communiqué, ajoutant qu’il en était « de même avec Mohand Laenser du Mouvement populaire ».

Mise à l’écart de fait de l’Istiqlal

Un peu plus tôt dans la journée, ces deux partis s’étaient dits disposés à poursuivre les consultations, à la condition qu’ils soient associés à deux autres formations, l’Union Socialiste des forces populaires (USFP) et l’Union constitutionnelle (UC), afin de « parvenir à la formation d’une majorité gouvernementale harmonieuse et solide ».

Or le premier ministre ne veut pas de l’USFP et de l’UC dans sa future majorité.

Après la victoire des islamistes du Parti justice et développement (PJD) aux législatives du 7 octobre 2016, M. Benkirane, secrétaire général du parti, avait été reconduit par le roi Mohammed VI à la tête du gouvernement de coalition qu’il dirige depuis cinq ans pour former un nouveau gouvernement.

Les négociations ont néanmoins buté pendant près de trois mois au sujet de la participation du parti de l’Istiqlal (le parti historique de l’indépendance), allié de M. Benkirane, à la future majorité. Plusieurs formations, dont le RNI et son influent président, le milliardaire Aziz Akhannouch, s’opposaient à cette participation. Au fil des semaines, les discussions ont pris des allures de bras de fer politique entre MM. Benkirane et Akhannouch.

Un déblocage s’est fait sentir fin décembre après des déclarations polémiques du chef de l’Istiqlal, qui ont eu pour conséquence sa mise à l’écart de fait de la future majorité.

« Surréalisme »

« Le chef du gouvernement a fait tous les efforts nécessaires depuis le début pour négocier. (…) Le RNI et le MP ont donné cette semaine leur accord de principe pour former le gouvernement sur la base de la majorité sortante », a commenté à l’AFP un membre du bureau politique du PJD, Abdelali Hamiddine.

« Ils devaient donner une réponse définitive après deux jours. Aujourd’hui nous avons été surpris par le communiqué des quatre partis. M. Benkirane n’a pas négocié avec l’USFP et l’UC, ce qui veut dire que le RNI et le MP ne respectent pas les règles et les traditions des négociations. »

« En déclarant l’arrêt des négociations, M. Benkirane veut dire stop et en finir avec ce surréalisme », selon M. Hamiddine.

Un conseil des ministres de l’équipe gouvernementale sortante, présidé par le roi, est prévu lundi à Marrakech et devrait être déterminant dans la suite de la crise.