Dans le centre de vidéosurveillance et de commandement flambant neuf, une dizaine de policiers ont les yeux rivés sur de grands écrans de contrôle. Dehors, on entend les hurlements réguliers des gyrophares. A trois jours du début sommet Afrique-France, qui doit se dérouler les vendredi 13 et samedi 14 janvier à Bamako, les forces de l’ordre du Mali s’entraînent à la sécurisation des cortèges des officiels.

Une dizaine de kilomètres sépare l’aéroport des différents lieux d’hébergement. Près de 35 chefs d’Etat ont confirmé leur venue à ce 27e sommet Afrique-France. Un véritable casse-tête dans un centre-ville bamakois déjà régulièrement paralysé par les embouteillages. « On est capable de suivre les véhicules du début jusqu’à la fin », assure le commissaire de police Idrissa Samaké.

Le dispositif de sécurité déployé à l’occasion du sommet est impressionnant. Rien que pour cet exercice, plusieurs milliers de policiers et gendarmes sont sur le bord des routes. « Il y a une personne tous les 30 mètres. Le jalonnement est très serré. Ce parcours aéroport-hébergement, c’est le premier test sécuritaire, poursuit le commissaire Samaké. Au total, près de 10 000 hommes sont mobilisés pour sécuriser le sommet, dont 180 forces spéciales antiterroristes (Forsat), une unité créée au lendemain des attentats du Radisson Blu qui avait fait 22 victimes en novembre 2015.

Opération « déguerpissement »

Mais ce déploiement hors normes a des conséquences sur les populations. Si le gouvernement malien se targue des retombées économiques de ce sommet pour le Mali et ses habitants, beaucoup ne vont pas en profiter. En premier lieu, les taxis. « Des rues entières vont être barrées, le pont Fahd également, ainsi que les accès qui desservent le centre de conférence, détaille Ibrahim Diarra un chauffeur de taxi. L’accès à la rive droite sera donc quasiment impossible », déplore-t-il. Les écoles, mais aussi la majorité des commerces seront donc fermées vendredi.

Les grands perdants de ce sommet sont surtout les « déguerpis ». Au début du mois de septembre 2016, la gouverneure de Bamako, Amy Kane, a lancé une grande opération de nettoyage des rues en prélude au sommet. Plusieurs milliers de boutiques ont été rasées, presque sans avertissement. Les quartiers particulièrement visés sont ceux où les différentes délégations vont être amenées à circuler, mais Amy Kane en a profité pour faire place nette partout dans Bamako.

« C’est vrai que c’est plus propre. On ne peut pas le nier. Mais on nous a prévenus deux jours avant. Deux jours ! Puis les bulldozers sont venus avec les gendarmes et les gaz lacrymogènes. Ils ont tout détruit », se rappelle Sékou Sy, un vendeur de vélos situé juste derrière l’hippodrome de Bamako. Il avait investi près de 2 millions de francs CFA (3 000 euros) dans sa boutique. « J’en ai perdu plus de la moitié. » Et lui a eu de la chance, il a pu se réinstaller, mais la majorité des petits commerçants sont désormais au chômage, plongeant des familles entières dans la détresse financière. Dans la rue de Sékou Sy, il y avait près de 200 boutiques. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’une vingtaine derrière les trottoirs en construction.

Dans son petit salon d’esthétique, cachée au détour d’une ruelle dans le quartier de l’Hippodrome, « Black By » maugrée. Lui aussi a été « déguerpi » au mois d’octobre 2015. « Tout ça c’est un coup de flash, voilà comment j’appelle ça. On met de la peinture, on goudronne des routes qui sont déjà goudronnées et à côté de ça on continue d’oublier des quartiers entiers sans eau potable où les routes se transforment en marécages quand il pleut ! »