Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne,  à Bruxelles, le 21 octobre 2016. | THIERRY CHARLIER / AFP

Bruxelles a fait des propositions, mardi 10 janvier, pour améliorer le « marché intérieur », ou « marché commun », des services. Celui-ci permet théoriquement à n’importe quelle société européenne d’offrir ses services partout ailleurs dans l’Union, sans barrière douanière ni administrative particulière.

Le sujet est politiquement piégé, surtout lors d’une année électorale, comme c’est le cas en France et en Allemagne, et la Commission Juncker le sait. C’est bien pour cela qu’elle veut absolument éviter de rouvrir la boîte de Pandore de la « directive services », plus connue en France, où elle a particulièrement mauvaise presse, sous le nom de « directive Bolkestein » : ce texte, adopté en 2006, a largement polarisé la campagne référendaire pour la constitution européenne en 2005.

« Directive Frankenstein », libéralisme débridé, invasion de « plombiers polonais »… Bruxelles doit à ce texte une partie de sa mauvaise réputation dans l’Hexagone, même si celui-ci, sérieusement amendée par les pays membres et le Parlement européen, n’a pas eu les conséquences catastrophiques que redoutaient ses détracteurs.

Eviter les méandres administratifs du pays d’accueil

Mais dans les faits, le marché unique des services auquel visait la directive est très loin d’être effectif. En cause, des lourdeurs administratives persistantes et les plus de 5 000 professions réglementées restant dans l’Union européenne (UE), dont certaines sont considérées à Bruxelles comme de véritables barrières protectionnistes. Elle lance d’ailleurs à ce titre régulièrement des « procédures d’infraction » pour non-respect de la législation européenne. L’une des dernières en date concerne les tarifs minima et maxima des ingénieurs et architectes en Allemagne.

Que propose concrètement Bruxelles ? D’abord, de faciliter la prestation de services dans un autre pays de l’UE en permettant aux entrepreneurs d’introduire leurs demandes par Internet et dans leur langue auprès d’un organisme national. Charge à ce dernier de prendre contact avec le pays visé, qui délivrera une « carte électronique » à moindre coût administratif. Une agence de voyage lilloise qui veut s’installer à Mons, de l’autre côté de la frontière, pourra s’adresser directement à un organisme français au lieu de se perdre dans les méandres administratifs belges.

Pour éviter d’en arriver (trop souvent) aux procédures d’infraction, la Commission souhaite aussi introduire un « test de proportionnalité » pour s’assurer que les critères d’installation, de qualité de services (ou les diplômes) exigés par les Etats membres soient réellement justifiés.

La France et l’Allemagne pas très allantes

L’idée est aussi d’améliorer la procédure – obligatoire – de notification de toute nouvelle législation à la Commission, de manière à ce que l’institution communautaire puisse plus efficacement vérifier que le texte national est compatible avec la « directive services ». Les Etats membres devraient notifier avant l’adoption de leurs lois, et non après, comme c’est presque tout le temps le cas actuellement.

Rien de révolutionnaire, donc. Pas question, jure t-on à la Commission, de tenter de réintroduire par la petite porte le principe du « pays d’origine », très décrié et évacué du texte de la directive au début des années 2000. L’Etat d’accueil continue d’appliquer ses propres réglementations en matière de services rendus sur son territoire et a toujours la possibilité de refuser une autorisation à un demandeur.

Alors pourquoi se lancer dans un exercice délicat de communication sachant que ni la France ni l’Allemagne ne sont très allantes ? Ce sont surtout les pays du Sud et de l’Est qui poussent à une plus grande ouverture des marchés des services, Paris et Berlin redoutant le retour du « plombier polonais ».

Bruxelles est persuadée de tenir là l’un des principaux gisements de croissances des années à venir – les services pèsent 70 % du produit intérieur brut de l’Union. Et le président, Jean-Claude Juncker, veut prouver que sa Commission compte encore, alors qu’elle risque d’être happée par le processus à venir du Brexit et est en partie paralysée par les élections en France et en Allemagne.