Depuis l’élection de Donald Trump, les médias américains spéculaient sur le rôle que Jared Kushner aurait dans la nouvelle administration. | © Mike Segar / Reuters / REUTERS

Il ne tweete pas, n’instagrame pas, ne s’expose pas aux médias. Pourtant, Jared Kushner, le très télégénique gendre de Donald Trump, est l’étoile montante de la galaxie Trump. Alors que vont débuter, mardi 10 janvier, les auditions de confirmation des futurs membres de l’administration Trump, le président élu l’a nommé, lundi, au poste de senior White House adviser, de conseiller spécial à la Maison Blanche.

L’annonce de l’arrivée de Jared Kushner à la Maison Blanche était un secret de polichinelle depuis que le magazine Washingtonian a avancé qu’il était sur le point d’emménager dans une luxueuse maison appartenant auparavant à un homme d’affaires letton ayant des liens avec des chefs de l’opposition en Russie. Ils seront presque voisins de Barack et Michelle Obama qui doivent s’installer à quelques dizaines de mètres de là, le 20 janvier, dans le quartier huppé de Kalorama à Washington.

Cette annonce vient couronner le rôle clé qu’a joué son gendre dans son élection. Depuis des semaines, les médias américains spéculaient sur le rôle que le jeune homme d’affaires aurait dans la nouvelle administration, tant son influence n’a cessé de croître ces derniers mois.

M. Kushner, qui a renoncé à tout salaire pour la durée de ce poste, « a été un atout formidable et un conseiller de confiance pendant toute la campagne et la période de transition et je suis fier de l’avoir dans un rôle clé de mon administration », a déclaré Donald Trump après l’annonce de cette nomination.

Ancien élève d’Harvard, diplômé de droit de la New York University, marié à Ivanka Trump depuis octobre 2009, la fille aînée du futur 45e président des Etats-Unis, Jared Kushner dirige Kushner Companies, le groupe immobilier familial. Il possède, depuis juin 2006, le New York Observer.

Part d’ombre

Derrière cette image de papier glacé, Jared Kushner a sa part d’ombre. S’il a pu entrer à Harvard, ce n’est pas en raison de ses performances scolaires, mais en raison d’un don de 2,5 millions de dollars, en 1998, fait par Charles Kushner à la prestigieuse université, affirment le Guardian et ProPublica dans un article conjoint, à la mi-novembre 2016. La famille Kushner dément.

Il semble aussi adepte de la loi du talion. Il aurait aussi œuvré pour éloigner de Trump le gouverneur républicain du New Jersey, Chris Christie. Tout cela parce que Christie, qui fut longtemps procureur général du New Jersey, fit emprisonner en 2004, pendant quatorze mois, Charles Kushner, le père de Jared – longtemps très influent dans le New Jersey et grand contributeur aux campagnes démocrates – pour fraude fiscale et subornation de témoins. Peine purgée en Alabama, où Jared se serait rendu presque tous les dimanches, affirme le Washington Post.

Kushner l’incontournable

Jared Kushner qui n’avait aucune expérience politique a commencé à travailler avec son beau-père en 2015, aux débuts de sa campagne pour la conquérir la Maison Blanche. Depuis l’élection, Kushner est devenu incontournable : en juillet 2015, Vanity Fair voyait en lui une sorte de « Mini-Me » de Donald Trump. Après l’élection, le magazine évoquait le « first couple » formé par Ivanka et Jared, les comparant au couple diabolique de la série politique « House of Cards », établissant un parallèle entre le pouvoir de Jared Kushner sur son beau-père et celui de Raspoutine sur le tsar Nicolas II.

Selon les médias américains, l’équipe de transition de Trump a ainsi demandé à l’administration Obama de passer par lui pour toute question de politique étrangère qui mériterait l’attention du nouveau président. Donald Trump indiquait récemment que Kushner, à l’origine de son discours de campagne sur Israël, pourrait l’aider à « être celui qui fera la paix entre Israël et les Palestiniens ».

A la Maison Blanche, lui qui a toujours travaillé dans l’ombre devra travailler « en étroite collaboration » avec Steve Bannon, conseiller en stratégie et figure controversée, et de Reince Priebus, secrétaire général de la Maison Blanche.

Selon certains commentateurs, il pourrait même être au-dessus de Bannon et Priebus. Chaque président a « une ou deux personnes auxquelles il fait intuitivement et structurellement confiance. Jared pourrait bien être cette personne », expliquait récemment l’ex-secrétaire d’Etat Henry Kissinger – qui connaît bien Trump – au magazine Forbes.

Après l’élection de Donald Trump, le « Vanity Fair » évoquait le « first couple » formé par Ivanka Trump et Jared Kushner, les comparant au couple diabolique de la série politique « House of Cards ». | © Lucas Jackson / Reuters / REUTERS

Conflits d’intérêts

La nomination de M. Kushner risque d’alimenter les critiques sur la brochette des très fortunés conseillers qui entourent le prochain président, élu en partie sur la promesse « d’assécher le marigot » des élites économiques de Washington (« drain the swamp » était l’un des slogans entendus lors de sa campagne) et de se faire le porte-parole des perdants de la mondialisation. Elle pourrait aussi renforcer les soupçons de conflits d’intérêts et de népotisme.

M. Kushner a fait appel à WilmerHale, un cabinet juridique de Washington pour examiner les potentiels conflits d’intérêts. Ses avocats estiment que les lois fédérales antinépotisme, qui interdisent aux responsables des agences fédérales d’engager des membres de leur famille, ne valent pas dans son cas, car la Maison Blanche n’est pas une agence, selon le New York Times. Ironie de l’histoire ? En 1993, une cours d’appel fédérale de Washington a estimé, dans une affaire concernant le rôle de Hillary Clinton dans la réforme du système de santé par l’administration de Bill Clinton que ces textes ne s’appliquaient pas à la Maison Blanche.

Pour offrir un surcroît de garanties, une des avocates recrutée de M. Kushner a indiqué à NBC News lundi qu’il « quitterait ses fonctions » à Kushner Companies, procéderait à des « désinvestissements substantiels » et resterait à l’écart des questions ayant « un effet direct et prévisible » sur ses intérêts financiers. Déjà, il quitte son rôle d’éditeur du New York Observer et cède ses parts dans l’hebdomadaire à une structure détenue par… son frère Joshua, rapporte CNN.