Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange. | ERIC PIERMONT / AFP

Sébastien Soriano, le patron de l’Arcep, le gendarme des télécoms, a expliqué aux Echos, mardi 10 janvier, vouloir mieux encadrer Orange dans la fibre. Pierre Louette, son directeur général délégué, chargé de la régulation, répond.

L’Arcep vous reproche d’avoir une position trop dominante dans la fibre. Que lui répondez-vous ?

Ce reproche nous paraît très injuste et fondé sur une erreur d’analyse. Le régulateur communique de façon excessive. Il ne faut pas jouer avec des entreprises cotées en Bourse. Entre 2015 et 2018, nous aurons investi 4,5 milliards d’euros dans la fibre. Faut-il que l’on arrête ? Plutôt que d’évoquer notre supposé monopole, il faudrait plutôt parler des erreurs stratégiques et des errements de nos concurrents. Iliad s’est lancé dans la fibre en 2007 en même temps qu’Orange. Quand nous avons commencé à nous déployer dans les zones très denses, tout le monde pouvait le faire. SFR, qui a connu plusieurs actionnaires, a changé d’avis. Nous ne sommes pas responsables de l’impéritie de nos concurrents. Depuis, ceux qui le souhaitent, peuvent se rattraper. Iliad a cofinancé la construction de 5 millions de prises haut débit FTTH. Ceux qui ne l’ont pas fait sont évidemment très en retard.

Le régulateur propose aussi, comme le demande SFR, de revoir les accords de cofinancement dans les zones moins denses. Qu’en pensez-vous ?

Je rappelle que ces accords, qui prévoient qu’Orange déploie la fibre sur 80 % de ces zones, contre 20 % pour SFR, avaient à l’époque reçu la bénédiction de l’Autorité de la concurrence et du gouvernement auquel le président de l’Arcep appartenait. Je ne suis pas particulièrement favorable à la révision de ces accords. Tout à coup, SFR, qui était concentré sur son réseau câblé, trouve des vertus à fibre. Je ne suis pas comptable de ce changement de pied. Cela va être difficile d’aller dire à un tas de communes que, finalement, on ne va pas leur installer la fibre.

L’Arcep veut aussi réguler Orange sur le marché des entreprises…

L’Arcep n’est-elle pas trop volontariste par rapport au rythme des entreprises ? Nous sommes en pourparlers avec l’opérateur Kosc et très confiants dans notre capacité à signer prochainement un contrat avec eux. Il y aura ainsi, comme le souhaite le régulateur, un nouvel opérateur de gros sur le marché.

En zones rurales, des opérateurs vous reprochent de commercialiser uniquement les offres sur votre réseau…

Naturellement, nous sommes le primo-accédant à notre réseau. Mais il n’est pas fermé. Il est vrai que cela coûte de l’argent de commercialiser une offre de détail sur le réseau d’un autre opérateur. C’est un choix d’entreprise. Quant au fait de proposer des « offres activées » (prêtes à l’emploi) aux autres opérateurs, cela n’est pas imposé par l’Arcep. Cela demanderait d’ailleurs pas mal d’investissement complémentaire dont l’utilité est a priori très marginale.

L’Arcep reproche aux opérateurs d’être en retard dans le déploiement du très haut débit. Est-ce justifié ?

Il faudrait savoir : nous investissons trop ou pas assez ? C’est l’Europe en général qui a pris du retard. L’Espagne, en revanche, a de l’avance, grâce à une simplicité administrative et à des coûts peu élevés. En France, la loi Lemaire promulguée en 2016 propose des simplifications administrative. Nous avons été plus lents, et je remarque que celui qui nous le reproche aujourd’hui était conseiller du ministre [chargé du plan très haut débit – M. Soriano était directeur de cabinet de Fleur Pellerin, ministre déléguée du numérique de 2012 à 2014]. C’est bizarre de critiquer une politique à laquelle on a contribué.