Au moins, c’est clair : Arnaud Montebourg est arrivé à la Maison de la poésie, à Paris, lundi 9 janvier vers 20 heures, avec Aurélie Filippetti, l’ancienne ministre de la culture et de la communication (2012-2014) de François Hollande, qui est aussi sa compagne. « Je fais mon miel de ses propositions ! », a lancé le candidat à la primaire à gauche – laquelle aura lieu les 22 et 29 janvier – en vue de l’élection présidentielle. L’ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique (2012-2014) a remercié « Aurélie » pour son action rue de Valois, citant sa défense de l’exception culturelle au sein de l’Europe, et son combat pour préserver le régime des intermittents du spectacle, en France.

Officiellement, Montebourg a confié son projet culturel à Frédéric Hocquard, le patron de l’Arcadi, une structure dédiée à la diffusion du spectacle vivant en Ile-de-France. Celui-ci avait convié quelques artistes et professionnels – « qui ne sont pas un comité de soutien », a-t-il pris soin de préciser – pour un échange avec le candidat : la productrice de films Marie Masmonteil, la chanteuse et compositrice Suzanne Combo, ou encore la metteuse en scène Barbara Bouley, laquelle a déploré que les socialistes – et les autres candidats – délaissent la culture durant cette campagne. « Au prochain débat télévisé, j’ai besoin d’entendre parler de la culture », a-t-elle déclaré, sous les applaudissements. « Tu sais ce qu’il te reste à faire », a lancé Frédéric Hocquard, alors que les sept candidats à la primaire de gauche débattront jeudi 12 janvier sur TF1.

On sent Montebourg moins à l’aise pour parler de la scène contemporaine, dont il égratigne involontairement quelques patronymes fameux (« Joël Gommerat » (sic) au lieu de « Joël Pommerat »), que de la sixième République. Son projet culturel, pourtant, n’est pas inconsistant. Il prend acte des déceptions suscitées par les arbitrages de François Hollande, lequel a diminué le budget de la culture de 2012 à 2014, avant que Manuel Valls, devenu premier ministre en 2014, ne reconnaisse cette « erreur » et stabilise, puis augmente les crédits de la rue de Valois. Montebourg sait aussi que nombre d’artistes rejettent massivement la politique générale menée ces dernières années (déchéance de la nationalité, loi sur le travail, etc). Il y a du travail pour redonner confiance aux artistes : « Le drapeau de 2012 de la France est tombé dans la poussière. Ce drapeau du changement, il faut le relever. » Et rien ne se fera sans les artistes, a-t-il ajouté.

2,5 milliards de dépenses supplémentaires d’ici 2022

Trois propositions saillantes ont été dévoilées dans un document de six pages : la première concerne le budget de la culture. En période de crise, il faut déployer les moyens, a résumé Montebourg, établissant un parallèle avec le choix de l’ancien président américain Franklin Roosevelt, lequel avait lancé « un vaste plan de soutien à la culture » après son élection en 1933. Aux 3,5 milliards d’euros actuels du budget de la rue de Valois, Arnaud Montebourg compte ajouter 500 millions d’euros par an, soit un total de 2,5 milliards de dépenses supplémentaires durant le prochain quiquennat (2017-2022).

Alors que des collectivités locales se désengagent et diminuent leurs crédits à la culture, Arnaud Montebourg prévoit de « rendre obligatoire et partagée la compétence culturelle » des régions, départements, communes, etc. Et de « fixer des niveaux minimum de leur budget dans ce domaine ». Traduction de Frédéric Hocquard : « Les collectivités locales ont subi de la part de l’Etat une baisse de leur dotation globale de financement. Certaines d’entre elles ont saisi ce prétexte pour se désengager de la culture. Il faut inverser la vapeur, remettre de l’argent dans les collectivités et les amener à soutenir fortement l’art et la culture. »

Création d’une « agence nationale de l’éducation artistique »

Cet argent servira, entre autres, à lutter contre « les déserts culturels », et à « dépenser l’argent autrement » en vue de développer un véritable plan pour l’éducation artistique. Sensibiliser les enfants à l’art, tout au long de la scolarité, c’était le grand dessein d’Aurélie Filippetti, en 2012, mais ses ambitions se sont heurtées, dit-elle, à divers blocages émanant de l’Education nationale. Le projet d’Arnaud Montebourg prévoit la création d’une « agence nationale de l’éducation artistique et culturelle ».

Dotée d’un « budget conséquent », elle aurait une « autorité directe » sur les deux ministères, culture et éducation. « C’est le seul moyen de débloquer cette méfiance instinctive de l’éducation nationale à l’égard de la culture », a expliqué Aurélie Filippetti, avant d’annoncer une autre mesure, chaleureusement accueillie dans la salle : « Dans les écoles qui forment les enseignants, les ESPE, les professeurs seront désormais formés à l’éducation artistique. »

Négocation d’un « traité européen sur la culture »

Enfin, Arnaud Montebourg propose d’initier la négociation d’un « Traité européen sur la culture », lequel serait accompagné d’une augmentation forte du budget de la culture au sein de l’Europe – celui-ci ne représente actuellement que 0,15% du budget global. Il s’agit de faire face au dumping fiscal des grands acteurs d’Internet, les « GAFA », les Google, Apple, Facebook, Amazon, etc.

« Si, en 2013, à la suite d’un rapport, on s’est enorgeuilli que la culture représentait 3,2% du PIB, on a oublié de préciser que c’était 3,5% en 2005, et que depuis cette date ce pourcentage ne cesse de baisser. Principalement parce qu’une partie de la richesse que créent les artistes dans notre pays franchit l’Atlantique grâce aux tuyaux d’internet », lit-on dans le document. La France ne doit pas devenir « une colonie » des Etats-Unis d’Amérique, a proclamé Montebourg, qui entend défendre avec Filippetti « le made in France culturel ».