France-Portugal le 10 juillet. | FRANCK FIFE / AFP

Quel a été, pour le pays organisateur, l’impact économique de l’Euro de football, organisé en France du 10 juin au 10 juillet 2016 ? Pour répondre à cette question, le ministère des sports avait mandaté une étude à l’Observatoire de l’économie du sport.

Avant de présenter, mardi 10 janvier, les conclusions de ce travail, le ministre des sports, Patrick Kanner, a évoqué avec Le Monde ses principaux enseignements, se réjouissant que le sport soit « créateur de richesse et de soft power ».

Combien l’Euro 2016 a-t-il rapporté à la France ?

L’impact économique de la compétition est estimé à 1,2 milliard d’euros.

Comparé au produit intérieur brut annuel, ce chiffre paraît plutôt dérisoire : 0,05 % du PIB pour un événement qui a duré un mois et réuni environ 2,5 millions de spectateurs dans les stades…

C’est tout de même conséquent, sans compter l’impact médiatique pour le pays. Des milliards de téléspectateurs cumulés, et donc des bénéfices intangibles considérables, tels qu’une notoriété accrue, pour nombre de villes… La France a montré qu’elle était capable de porter ce type d’événement. J’étais hier [dimanche] à Liévin [Pas-de-Calais]. J’ai rencontré le maire de Lens, Sylvain Robert, où quatre matchs se sont parfaitement déroulés. Il m’a confirmé qu’il n’a jamais eu autant d’étrangers dans les hôtels de la ville – dans le pays, l’apport des dépenses touristiques liées au tournoi s’élève à 625 millions d’euros. Des gens sont venus visiter le Louvre-Lens – car les étrangers, et l’étude le montre, sont restés plusieurs jours. Sylvain Robert me disait : « Je suis sûr qu’il y a des Anglais ou d’autres qui reviendront à Lens pour voir le Louvre-Lens en famille. » Ce sont essentiellement des hommes étrangers – 90 % – qui sont venus, et on peut espérer qu’ils aimeront revenir sur ces lieux en famille.

Finalement, le principal apport de cet Euro, en termes d’image, est donc inquantifiable…

C’est du soft power. Rappelez-vous toutes les polémiques sur les fan-zones. Finalement, les fan-zones étaient l’endroit le plus sûr, en dehors des stades, où l’on pouvait voir les matchs dans un esprit de fête. Bernard Cazeneuve, bien sûr, a fait son travail de ministre [de l’intérieur], et nous avons eu le soutien d’Alain Juppé [maire de Bordeaux et président des villes d’accueil]. Juppé a joué totalement le jeu, y compris en augmentant les moyens de la sécurité des fan-zones. C’était nécessaire. Il n’y avait pas de problème droite-gauche. Ces grands événements sportifs forment une tête de gondole absolument nécessaire pour le pays.

Combien a rapporté cet Euro à l’Etat ?

D’abord, il y a les retombées économiques sur le plan fiscal, 75 millions d’euros. C’est positif. Deuxièmement, cela a créé quasiment 10 000 équivalents temps plein annuels. On a mis le pied à l’étrier à des milliers de personnes qui sont aujourd’hui encore en emploi. Je n’oublie pas les 20 000 équivalents temps plein qui ont été utiles pour construire et mettre à niveau nos stades. Ces stades vont d’ailleurs potentiellement accueillir des événements en 2024, si Paris obtient les Jeux olympiques, que ce soit le rugby ou les épreuves de foot.

Si la France n’avait pas mis en place un régime fiscal dérogatoire pour l’UEFA, les rentrées d’argent auraient pu être plus importantes…

En 2010, le gouvernement de François Fillon a décidé d’accorder un rescrit [exonération] fiscal à l’entreprise [organisatrice] qui est devenue UEFA SAS 2016. Nous l’avons prolongé – et je l’assume totalement – sur tous les événements internationaux présentant des bénéfices économiques exceptionnels et dont la décision serait prise avant décembre 2017, donc en intégrant les JO [dont l’élection de la ville hôte est prévue le 13 septembre]. Si le gouvernement de l’époque, ou celui d’aujourd’hui ne l’avaient pas fait, les organisateurs seraient allés ailleurs. Vous ne vous poseriez même pas la question de savoir s’il y a de l’emploi, des nouveaux stades, des rentrées fiscales, puisque l’événement ne se tiendrait pas ici. Sans cette décision du gouvernement, Michel Platini [alors patron de l’UEFA] aurait eu trois, quatre, peut-être dix autres propositions pour l’organiser de manière concurrentielle.

Avec un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros et des dépenses évaluées à 1,1 milliard d’euros, l’UEFA a été la grande gagnante de l’Euro…

L’UEFA, c’est 830 millions d’euros de bénéfice, dont l’essentiel va repartir vers les fédérations nationales. Ce ne sont pas 830 millions d’euros dans les caisses de l’UEFA. D’ailleurs, pour la première fois, nous avons obtenu de l’UEFA un retour sur investissement direct. Ils ont payé 20 millions d’euros pour la location des stades, donné 20 millions d’euros d’héritage pour les villes et 5 millions pour l’organisation des fan-zones. Il y a donc eu 45 millions d’euros cash, payés par l’UEFA sur ses bénéfices, pour assurer le bon fonctionnement de la compétition et la suite.

Comme les coûts de construction et de rénovation des stades, estimés à 1,7 milliard d’euros, les importants déploiements policiers n’ont pas été pris en compte dans cette étude, qui mesure l’impact économique à court terme.

J’isolerais deux choses. Il y a d’abord le coût de sécurisation des fan-zones. Cela représente un peu plus de 20 millions d’euros, financés par l’Etat, l’UEFA et les villes hôtes. La sécurisation de l’événement en tant que tel relève de la mission régalienne de l’Etat. L’Etat sécurise le Tour de France, la COP21… Bien sûr que cela a un coût, et nous l’avons assumé. Mais rappelez-vous à l’époque : il y avait beaucoup de monde dans les rues contre une certaine loi [la loi travail], et l’Etat a aussi assuré ses fonctions régaliennes.

Quelles sont les retombées attendues pour les Mondiaux de hand en France du 11 au 29 janvier ?

Nous sommes sur une dimension moindre, bien sûr. Tout d’abord parce que l’Euro a réuni 2,5 millions de spectateurs dans les stades, alors que là, nous serons à 500 000, environ, lors des 84 matchs. Mais le handball est l’un des cinq sports les plus suivis au monde. Comme pour l’Euro, la France montrera sa capacité d’organiser dans d’excellentes conditions de sécurité des événements sportifs.

Plus de six mois après, quel reste votre meilleur souvenir de l’Euro ?

La demi-finale au Vélodrome contre l’Allemagne, à Marseille. Une ambiance incroyable. Le président de la République était aux anges. Il y avait quelque chose… Je ne vais pas vous dire que la finale a été un mauvais souvenir, mais vu le résultat…

Et votre plus mauvais moment ?

Ce n’est pas la finale, mais Russie-Angleterre, toujours à Marseille, le lendemain du match d’ouverture [le 11 juin, de très violents affrontements entre supporteurs russes et anglais avaient éclaté avant la rencontre]. J’ai passé une soirée terrible. Quand l’avion s’est posé à Marseille, les événements se terminaient. J’ai visité la fan zone avec une pression terrible, quelques bagarres se déroulaient encore près du Prado. Je n’ai quasiment pas vu le match. Avec le préfet, on observait les supporteurs, et comment ils se comportaient. Après France-Roumanie, qui s’était parfaitement déroulé, je me suis dit : « Est-ce qu’un tel événement, dès le deuxième match, va bousiller la compétition ? » Cela a été une crainte très forte. Mais ça n’a pas été le cas.

Après plusieurs jours, le problème des hooligans a fini par s’estomper. Mais on imagine que la préoccupation terroriste a dû aussi vous marquer pendant la compétition…

Tout le temps. J’ai vécu un mois de stress. Je me souviens du bonheur qui était le mien et celui de Thierry Braillard, au moment de présenter le bilan de l’Euro lors du conseil des ministres du 13 juillet. Tout le monde était content. Nous étions heureux que l’événement se soit déroulé ainsi, malgré la défaite en finale. Et puis le lendemain… [le 14 juillet, une attaque terroriste à Nice causait la mort de 86 personnes].