A l’extérieur des halls d’exposition du CES de Las Vegas, les voitures autonomes tournent comme des horloges sur des pistes. Elles enchaînent les virages et marquent impeccablement l’arrêt. Une performance presque banale lorsque l’on sait que des prototypes ont déjà parcouru des centaines de milliers de kilomètres sur route et autoroute. Les enjeux, en effet, se sont déplacés. Faire évoluer parmi la circulation urbaine une automobile sans conducteur, voilà le nouveau Graal des constructeurs et des équipementiers.

« Il faut imaginer des modes de conduite respectueux du code de la route tout en étant capables de l’interpréter. » Jean-François Tarabbia, Valeo

Valeo se présente au Consumer Electronic Show avec un nouveau démonstrateur, dénommé eCruise4U. Une voiture électrique bardée de caméras et de capteurs mais aussi et surtout équipée de six lidars (radars laser) qui lui permettent de progresser à basse vitesse dans un environnement urbain où elle est, entre autres, capable de réaliser un dépassement de sa propre initiative.

Pour Valeo, ce pas supplémentaire doit permettre d’affronter des conditions de circulation beaucoup plus complexes. Les lidars mesurent avec précision les mouvements et la direction que prennent les objets alentour afin d’anticiper les intentions des autres voitures. De quoi s’élancer pour une traversée de la place de l’Etoile ou de la Concorde, à Paris ? « Soyons francs : les véhicules autonomes seraient incapables d’y parvenir. Pour une raison simple : ils sont programmés pour respecter le code de la route », assure Guillaume Devauchelle, directeur de l’innovation chez Valeo.

Des cultures locales du volant

Tout conducteur en fait l’expérience au quotidien : la circulation urbaine est, dans une large mesure, question de négociation – pour ne pas dire de rapport de force – entre usagers. Lâché sur un rond-point à forte densité de circulation, une voiture-robot ressemblerait à un conducteur novice tétanisé par les autres véhicules cherchant à se frayer un chemin. Elle céderait systématiquement la priorité, quitte à s’immobiliser brusquement ou progresser par bonds successifs. De même, au franchissement d’un passage piétons bondé, elle risquerait de ne jamais « oser » passer lorsque vient son tour de s’élancer. Autant de situations où les règles de préséance sont floues et qui, pour cette raison, apparaissent difficiles à gérer par un véhicule-robot.

« Il faut imaginer des modes de conduite respectueux du code de la route tout en étant capables de l’interpréter mais sans jamais compromettre la sécurité », résume Jean-François Tarabbia, directeur délégué à la recherche et au développement de Valeo. Développer une intelligence artificielle capable de faire évoluer une automobile avec tact tout en faisant preuve d’une certaine autorité lorsque c’est nécessaire : la tâche s’annonce rude. Surtout s’il s’agit de circuler à Rome ou à Paris (voire au Caire ou à Chennai) plutôt qu’à Los Angeles ou Londres. Toutes les équipes qui travaillent sur la conduite autonome assurent qu’il sera indispensable de réaliser des programmes respectant les cultures locales du volant.

Pour sa part, Nissan a annoncé lors du CES par la voix de Carlos Ghosn, son président, son intention de lancer dès cette année un programme pilote de véhicules autonomes à Tokyo. Le constructeur japonais accumule les données et retours d’expérience qui, après-demain –personne ne se hasarde à avancer une échéance ferme – permettront de lâcher en ville des voitures autonomes, réfléchit déjà à la manière d’assurer au mieux la communication entre le véhicule-robot et son environnement humain.

Plutôt que de s’en tenir au rudimentaire clignotant, la firme japonaise préconise de généraliser un indicateur plus sophistiqué comprenant plusieurs couleurs afin de clarifier les avertissements. Nissan a aussi conçu un écran installé à la base du pare-brise pouvant afficher des messages tels que « passez », « je vais passer » ou, à destination des piétons, un très courtois « après-vous ».