Meeting de Benoit Hamon, candidat à la primaire de gauche pour la présidentielle 2017, au gymnase Japy à Paris, mercredi 14 décembre 2016 - 2016©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Les portes transparentes s’ouvrent, se ferment, sans jamais claquer, on croirait même que le son a été coupé. Les caméras se reflètent dans la cloison vitrée, de même que les lumières des faux plafonds, écrans flottants ou fantômes des smartphones... Dans ce décor graphique, on se croirait dans Playtime, de Jacques Tati, revisité au vingt-et-unième siècle, sauf qu’on n’est pas à l’aéroport, mais au onzième étage de la tour Montparnasse, à Paris, au QG de campagne de Benoît Hamon.

C’est « primaire time », et le temps est compté : au menu de ce point presse, mardi 10 janvier, l’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche et la culture, le tout en une heure, avant le départ pour le meeting du soir, à Montpellier. Derrière le pupitre, le candidat à la primaire de la gauche (les dimanches 22 et 29 janvier) commence par résumer sa philosophie : la pratique culturelle rime avec temps libre, et son programme pour les arts et la culture s’articule avec sa vision sociétale qui invite à changer notre rapport au travail.

Lever les barrières

Ainsi, son idée de revenu universel, qui peut permettre à un salarié de se libérer partiellement d’un travail jugé aliénant, est de nature, dit-il, à favoriser cette rencontre entre le public et les œuvres. Encore faut-il avoir le désir et/ou la possibilité de voir un spectacle, de visiter une exposition ou d’acheter un billet de cinéma... Or, « la culture reste un marqueur puissant de l’appartenance sociale », constate Benoît Hamon. Il faut donc lever les barrières économique, symbolique, etc. Paraphrasant Albert Camus, le candidat estime que la culture ne peut se limiter à une « jouissance solitaire », mais doit s’apparenter à un « projet collectif ».

Les journalistes qui ne sont pas spécialistes du sujet ont eu droit à un cours de rattrapage. « Mieux vaut un programme copieux et un peu scolaire, plutôt que des rencontres d’1h30 où l’on parle de tout et de rien », sourit Benoît Hamon. Comment se répartissent les moyens consacrés à la culture ? Aux 3,5 milliards d’euros du budget de la rue de Valois, s’ajoutent les enveloppes des autres ministères (éducation, affaires étrangères...), et surtout les dépenses des collectivités locales (régions, départements, communes, etc), soit un total de 17 milliards d’euros, précise Benoît Hamon. Actuellement, la culture et les industries culturelles, soit les acteurs publics et privés, génèrent une activité économique correspondant à 0,8% du PIB. En augmentant les moyens dédiés à la culture, et en soutenant l’entreprenariat culturel, le candidat souhaite porter ce taux à 1% du PIB, « ce qui générerait entre 17 et 20 milliards d’euros ».

Une démarche plus participative

Comme Arnaud Montebourg, également dans la course à la primaire de gauche, Benoît Hamon souhaite mettre en œuvre les « droits culturels » prévus dans la loi NOTRe (Nouvelle organisation terrtoriale pour la République) afin de lutter contre les « déserts », ces territoires dépourvus de théâtres et de lieux de fabrique, et de généraliser l’éducation artistique. Mais les deux hommes diffèrent sur la méthode. Dans une veine très volontariste, voire autoritaire, Arnaud Montebourg veut mettre en place une « compétence culturelle obligatoire » dans les collectivités locales, et imposer à celles-ci un « socle minimum de dépenses ».

Quant à son agence nationale pour l’éducation artistique et culturelle, elle aurait « autorité » sur les deux ministères (éducation et culture). Benoît Hamon défend une démarche plus participative, fondée sur la signature de « contrats de plan ». Olivier Thomas, maire de Marcoussis (Essonne), qui pilote le projet culture de Benoît Hamon, s’explique : « On ne va pas imposer par le haut. Si vous donnez plus de moyens aux collectivités, chacun sera prêt à s’engager. L’enjeu, entre autres, est de généraliser l’éducation artistique à l’école. Actuellement, il y a des inégalités territoriales. Non pas que les communes soient opposées à ces ateliers, mais parce que certaines n’ont pas les moyens suffisants pour proposer des dispositifs de qualité ».

Il y a d’autres chantiers, comme celui de la protection sociale des artistes. On ne peut pas se contenter de défendre le régime des intermittents du spectacle, explique Benoît Hamon. Il faut aller au-delà. Le candidat entend « bien sûr » préserver l’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle (et du cinéma), soit les comédiens, musiciens, danseurs, interprètes, etc, éligibles aux annexes 8 et 10 de l’Unedic. Mais il faut réfléchir à un « statut de l’artiste » et travailler à la couverture sociale de ceux qui n’entrent pas dans le champ de ces annexes (auteurs, scénaristes, etc).

Pas une « société du farniente »

Il restait peu de temps au candidat pour évoquer la promotion de la langue française, et son projet de création d’un « pavillon de la langue française », ou encore la mise en place d’un « visa d’artistes » pour les créateurs étrangers, en vue de faciliter leur venue dans les festivals. Sans oublier la préservation du modèle de financement du cinéma, « unique au monde ». Autant de dossiers qui restent à peaufiner.

Cette « société culturelle et de loisirs » doit se conjuguer avec une « école inclusive » et des réformes dans l’éducation nationale, en vue de corriger, là encore, les effets du « marqueur social » : dans le primaire, Benoît Hamon souhaite limiter le nombre d’élèves à 25 en valeur absolue dans chaque classe (et non en moyenne), du CP au CE2 – voire à 20 élèves dans certains territoires prioritaires, et dans les départements d’outre-mer. Cela suppose, dit-il, la création de 20 000 postes d’enseignants supplémentaires. Et, « comme les inégalités s’accentuent en-dehors de l’école », le candidat veut créer un « service public de l’aide aux devoirs », sur place dans les établissements scolaires. Les professeurs seraient incités à participer à cette nouvelle mission par le biais d’heures supplémentaires, etc. Au collège, dit-il, il faut repenser l’orientation en fin de troisième : « celle-ci ne se baserait plus seulement sur les résultats scolaires, mais elle tiendrait compte de capacités [qui restent à à définir] développées par chacun des élèves ». Au lycée, le candidat veut mettre en place un « indice social » afin de « concentrer les moyens là où s’agrègent les plus grandes difficultés ». Dans l’enseignement supérieur, il faut « recruter plusieurs milliers d’enseignants chercheurs », revaloriser leurs salaires, etc.

En un mot, et pour répondre à certaines critiques sur le revenu universel, Benoît Hamon a voulu montrer que « la société du savoir ne sera pas une société du farniente ».