Le comédien franco-américain Paul Hamy, à Paris, en décembre 2016. | Ilyes Griyeb pour M Le magazine du Monde

Un passionné d’oiseaux perdu dans la nature, un proxénète visqueux, un artiste soviétique… Ces temps-ci, Paul Hamy révèle plus que jamais sa nature de caméléon. Dans la foulée de L’Ornithologue, de João Pedro Rodrigues (sorti le 30 novembre 2016), et de Sex Doll, de Sylvie Verheyde (sorti le 7 décembre), l’acteur franco-américain de 34 ans, interprète dans Le Divan de Staline, un jeune peintre chargé de concevoir un monument à la gloire du Petit Père des peuples (incarné par Gérard Depardieu). Réalisée par Fanny Ardant, cette adaptation du roman de Jean-Daniel Baltassat sort en salles mercredi 11 janvier.

En quatre ans à peine, Paul Hamy a tour à tour incarné un petit voyou amoureux de Sara Forestier dans Suzanne, de Katell Quillévéré ; un coup d’un soir presque comique pour Catherine Deneuve dans Elle s’en va, d’Emmanuelle Bercot ; un agent de sécurité pas franc du collier dans Maryland, d’Alice Winocour ; un skinhead dans Un Français, de Diastème… Au printemps prochain, il sera à l’affiche du nouveau film du cinéaste underground F. J. Ossang, tourné aux Açores.

Un simple outil

Corps athlétique, yeux tendres et bouche charnue, le comédien est une figure pas forcément très identifiée du grand public, mais régulière à l’écran, de celles que l’on remarque par leur capacité à glisser d’un univers à l’autre. Avec de jeunes acteurs comme Damien Bonnard (Rester vertical, d’Alain Guiraudie), Damien Chapelle (Métamorphoses, de Christophe Honoré) ou Matthias Schoenaerts, il est l’un des visages masculins d’un renouveau du cinéma hexagonal, plus indépendant et davantage ancré dans le réel. Ils incarnent souvent de vrais héros issus des classes populaires. « Cela manquait à un certain moment dans le cinéma français », remarque Katell Quillévéré, qui fit tourner à Paul Hamy son premier film, Suzanne, en 2013.

Corps athlétique, yeux tendres et bouche charnue, le comédien est une figure pas forcément très identifiée du grand public, mais régulière à l’écran | Ilyes Griyeb pour M Le magazine du Monde

Lui se voit comme un simple outil, dont les cinéastes s’emparent pour modeler, façonner un personnage. « Je l’ai d’abord trouvé très beau. Et il y a chez lui une dureté qui correspondait à ce que je souhaitais pour le personnage de ce film, très physique, comme un héros de western », raconte João Pedro Rodrigues, qui l’a attaché nu – selon la pratique érotique du bondage – encordé à un arbre dans L’Ornithologue, et l’a fait se contorsionner. Pour interpréter ce rôle, Paul Hamy a pris des cours de portugais pendant plusieurs mois. Mais, au final, sa voix a été entièrement doublée par celle du réalisateur. Le comédien ne s’est pas vexé. Un outil ne bronche pas.

« Celui qui m’inspire le plus, moi, c’est Louis Jouvet. Enfant, j’aimais “Knock”, sa manière d’utiliser le verbe, sa diction… Je n’ai pas cette force, mais c’est là où je voudrais aller. » Paul Hamy

Sa voix de petit garçon un peu lasse, doublée d’un regard qui part dans le vague, est pourtant sa force la plus singulière. « Cette combinaison entre un physique très puissant et une voix extrêmement fragile est vraiment particulière », note Katell Quillévéré. D’autres, comme Sylvie Verheyde ou même Alice Winocour, y ont perçu quelque chose de moins innocent, de plus trouble. Car cette douceur dans un corps de dur fonctionne aussi pour incarner l’archétype du psychopathe façon Anthony Perkins ou Anthony Hopkins. Et, alors qu’on pourrait s’attendre à ce qu’il cite des références proches de sa génération, Paul Hamy lance : « Celui qui m’inspire le plus, moi, c’est Louis Jouvet. Enfant, j’aimais Knock, sa manière d’utiliser le verbe, sa diction… Je n’ai pas cette force, mais c’est là où je voudrais aller. »

Paul Hamy n’a pas suivi le parcours typique du jeune premier : vocation d’enfant, cours Florent ou Conservatoire puis castings. Il n’a pas pris de cours de théâtre, et rêvait plutôt de devenir dessinateur de BD ou basketteur professionnel. Élevé entre le 9e arrondissement de Paris, où il a grandi auprès de sa mère monteuse pour l’émission d’Antenne 2 « Cinéma, Cinémas », et New York, où il passait les vacances scolaires avec son père, il vit une adolescence compliquée : redoublements, errance avec les copains, bac de justesse, puis deux années de fac de cinéma en touriste à Saint-Denis…

Paul Hamy a grandi à Paris auprès de sa mère monteuse pour l’émission d’Antenne 2 « Cinéma, Cinémas », et New York, où il passait les vacances scolaires avec son père. | Ilyes Griyeb pour M Le magazine du Monde

Il est encore adolescent lorsqu’il devient déjà un outil, un corps au service de faiseurs d’images. Pas au cinéma, mais dans la mode. À 16 ans, il est repéré par le photographe Paolo Roversi et commence à poser et à défiler. Une expérience qui fait grandir vite. « Les jeunes mannequins hommes, ce sont un peu des têtes brûlées. On voyage dans tous les sens, on n’a pas notre famille avec nous, on habite à droite et à gauche… À cet âge-là, on a envie de se marrer, on fait un peu tout et n’importe quoi », dit-il.

Un touche-à-tout pas carriériste

C’est aussi l’époque où il fonde avec ses amis d’enfance, dont Stéphane Ashpool (le créateur de la marque de vêtements Pigalle), le collectif Pain o chokolat. Touche-à-tout et fêtards, ils organisent des soirées, des expositions, invitent des DJ. « J’étais ingérable, pas très fiable. Dans le Paris des années 2000, on était gamins longtemps. » Ce mode de vie dilettante propre à l’adolescence durera jusqu’à la fin de la vingtaine, époque à laquelle il se met à tourner. Depuis, il enchaîne les films, trois ou quatre par an.

En dehors du cinéma, il fait de la sculpture, entraîne les gamins du club de basket du quartier de Pigalle, produit des artistes, comme le musicien Oko Ebombo. « Cette vitalité qui le caractérise, cette envie de faire beaucoup de choses différentes, c’est aussi un peu son ennemie », note Élisabeth Tanner, son agent, qui décèle chez lui une absence totale de carriérisme.

Sur le tournage de Suzanne, Paul Hamy était toujours en retard, ne se concentrait pas. Il a fallu beaucoup de patience à Katell Quillévéré pour l’apprivoiser. Il se souvient : « Elle m’a appris qu’un rôle, c’est aussi une grande responsabilité. Parce qu’on représente un archétype, parce qu’il faut permettre au public de s’identifier. » Elle raconte : « Un jour, j’en ai eu assez, je lui ai dit que je ne le sentais pas complètement là, que j’avais besoin qu’il s’engage, qu’il décide dans sa tête de devenir acteur. » La leçon a fonctionné. Paul Hamy a accepté de se plier à l’autorité d’un(e) cinéaste, d’être un instrument de désir, conscient que cette discipline lui permettrait de vivre autant de rôles et de films que possible.

« Le Divan de Staline », de Fanny Ardant, avec Gérard Depardieu, Emmanuelle Seigner, Paul Hamy… 1 h 32. En salles le 11 janvier.

La bande-annonce

LE DIVAN DE STALINE Bande Annonce (Gérard Depardieu - 2017)
Durée : 02:08