Yannick Jadot, le 7 novembre 2016, à Nantes. | DAMIEN MEYER / AFP

Il devenait urgent de ne plus attendre. En difficulté depuis sa victoire à la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts, le 7 novembre 2016, Yannick Jadot a lancé sa campagne présidentielle, mercredi 11 janvier, en présentant à Paris les grands axes de son programme. Ces dernières semaines, le député européen avait donné la priorité à des passages médias pour tenter de se faire connaître plutôt qu’à des déplacements de campagne qui risquaient d’être peu suivis en ces temps de primaire à droite puis à gauche. Principale raison : un budget extrêmement serré – 1,1 million d’euros – qui lui impose de faire des choix.

L’ancien de Greenpeace a dévoilé les premières mesures de son projet aux côtés de David Cormand, secrétaire national d’EELV, Cécile Duflot, ancienne ministre du logement, Noël Mamère, député écologiste de Gironde, ou encore Pascal Durand, ex-patron d’EELV (2012-2013), qui intègre l’équipe de campagne. Une belle affiche qui vise à compenser un enthousiasme relatif jusqu’à présent pour la campagne de M. Jadot de la part d’un parti qui sort essoré du quinquennat. « Nos militants sont comme le reste de la gauche, un peu fatigués, reconnaît M. Cormand. Il y a une gueule de bois par rapport à la situation générale mais de la bienveillance par rapport à Jadot. »

Intitulé « La France vive », le programme sera développé en février dans un livre. « C’est un projet très constructif qui veut améliorer la vie quotidienne des Françaises et des Français », explique M. Jadot. Sans surprise, il fait la part belle à l’écologie avec la promesse d’une France « sans carbone ni nucléaire, 100 % d’énergies renouvelables en 2050 et zéro déchets finaux en 2030 ». S’appuyant sur le scénario développé par l’association NégaWatt, M. Jadot annonce une loi de sortie « progressive et définitive » du nucléaire d’ici à 2035 et l’arrêt des premiers réacteurs dès 2017. La centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) figure en tête de ses priorités.

« Une France 100 % durable »

M. Jadot affiche aussi la fin des « grands projets inutiles » – dont celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes –, l’instauration d’une taxe poids lourds, une fiscalité écologique, le développement du bio dans les cantines et la rénovation thermique de 750 000 logements par an d’ici la fin du quinquennat. Pour le candidat d’EELV, la politique internationale de la France est directement liée à sa politique énergétique. « Construire une France 100 % durable, c’est sortir de notre dépendance aux énergies fossiles provenant de la Russie, des pétromonarchies du Golfe et d’autres régimes corrompus et autocratiques au sud de la Méditerrannée », juge-t-il.

M. Jadot, qui entend « redonner le pouvoir aux citoyens et aux salariés », avance l’idée des « contrats territoriaux de transition écologique » négociés entre les collectivités locales, l’Etat, les entreprises et les syndicats pour « anticiper et favoriser les conversions économiques et industrielles ». Il se prononce pour un « revenu d’existence » qu’il ne détaille pas, un smic à 1 800 euros brut durant la mandature et « la réduction du temps de travail ». Dimanche 8 janvier, le député européen s’est déclaré favorable au travail du dimanche si les salariés sont volontaires et « payés très sensiblement plus ». Des propos qui ont créé le trouble à EELV, opposé à cette mesure.

Au programme également, des propositions promises en 2012 par François Hollande avant d’être abandonnées comme le récépissé de contrôle d’identité, le droit de vote pour les étrangers aux élections locales, la généralisation de l’encadrement des loyers aux « zones tendues » ou encore la PMA « pour toutes les femmes ». La légalisation du cannabis, réclamée de longue date par les écologistes, est annoncée.

Entre Mélenchon et Hamon

Au chapitre institutionnel, le candidat souhaite une assemblée de 400 députés élus à la proportionnelle, la création d’une troisième Chambre issue du Conseil économique, social et environnemental et un poste de vice-premier ministre au développement durable. Concernant l’Europe, M. Jadot s’engage à convaincre ses partenaires de la nécessité d’un plan d’investissement de 600 milliards d’euros par an financé par la Banque européenne et les banques nationales d’investissement fléchés sur la transition énergétique et l’arrêt des négociations des accords de libre-échange, dont le Tafta (entre l’Union européenne et les Etats-Unis) et le CETA (entre l’UE et le Canada).

Actuellement donné autour de 2 % des intentions de vote, l’ancien bras droit de Daniel Cohn-Bendit se retrouve coincé entre Jean-Luc Mélenchon qui a fait de l’écologie le fil directeur de son projet, et Benoît Hamon, qui a fortement verdi son programme.

Les écologistes ont été nombreux à saluer le positionnement du candidat à la primaire organisée par le PS, allant pour certains jusqu’à réclamer un rapprochement avec M. Hamon s’il l’emportait le 29 janvier. Cela a contraint M. Jadot à une mise au point en interne samedi pour rappeler qu’« en aucune manière cela ne doit changer [leur] stratégie présidentielle ». « Jean-Marie Le Pen le disait : “Les électeurs préféreront toujours l’original à la copie.” C’est pareil pour nous », veut croire l’un de ses partisans, dans une référence surprenante.

Reste pour M. Jadot à trouver les 500 parrainages d’élus nécessaires pour se présenter. Même si les écologistes ont toujours réussi à se présenter à la présidentielle depuis 1974, beaucoup, à gauche, doutent de la faculté du candidat d’EELV à décrocher les précieux sésames. Son équipe assure ne pas être inquiète… mais refuse désormais de donner l’état d’avancement de leur quête.