Jean-David Ciot, secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône, en 2011. | BERTRAND LANGLOIS / AFP

Manuel Valls n’est pas là, mais son sourire crispé s’affiche cinq fois sur les murs de ce café huppé d’Aix-en-Provence. Le comité de soutien à la campagne de l’ancien premier ministre a choisi l’ambiance cosy du bourgeois cours Mirabeau pour sa première réunion publique dans les Bouches-du-Rhône. Une cinquantaine de chaises en velours rouge pour à peine plus d’auditeurs, têtes blanches ou grises pour la plupart, venues écouter le long monologue de Christophe Caresche, député de Paris.

Le parlementaire loue le « volontarisme » de Manuel Valls, sa « solidité », sa « stature d’homme d’Etat ». « Il a tenu la baraque dans un contexte très compliqué (...) Le cap était bon, mais on a tardé à mettre en forme », assure, sans convaincre, l’élu parisien. Au premier rang, une brochette d’élus locaux fait nombre. « On essaye d’animer la campagne, mais tout se jouera à la télé avec les débats », promet l’ancien président de Marseille Métropole, Eugène Caselli, assis à côté du conseiller départemental, Christophe Masse. « J’aurais aimé entendre dire ce soir qu’il faut libérer les énergies », regrette un militant dans la salle.

« Cette campagne est morose…, reconnaît la coordinatrice de la campagne de l’ex-premier ministre dans le Bouches-du-Rhône, l’élue métropolitaine Annie Levy-Mozziconacci (PS). Mais une fois que l’on a dit cela, que fait-on ? » « Je soutiens Manuel Valls par pragmatisme, poursuit cette médecin généticienne en poste à Marseille. Il est le plus apte à créer une passerelle avec Emmanuel Macron et à nous éviter un deuxième tour entre le Front national et François Fillon. »

« Réunions Tupperware chez des militants »

Sur le marché de Notre-Dame-du-Mont (5e), la militante marseillaise Marion Pigamo et ses troupes tractent, elles, pour Benoît Hamon. Vendredi 13 janvier, le candidat tiendra meeting à l’Espace Julien, une salle de concerts de 1 200 places implantée dans ce quartier mi-populaire, mi-bobo du centre-ville. « Le choix du lieu est symbolique, à l’image de la tonalité de sa campagne, se réjouit la représentante départementale de Benoît Hamon. Mais surtout, c’est le seul à pouvoir remplir en si peu de temps une salle de cette taille. Nous sommes sur une dynamique, et on ne va pas se priver de le montrer ».

Dans les Bouches-du-Rhône, aucun autre candidat ne tiendra meeting d’ici au premier tour. Pas même le local de l’étape, l’ex-conseiller métropolitain Jean-Luc Bennahmias, président du Front démocrate. « Cela ne sert à rien, tranche Christophe Madrolle, représentant de ’’son ami Jean-Luc’’ et ancien leader des listes régionales PS-Union des démocrates et écologistes (UDE) en 2015. Et puis, c’est une question de moyens : en tant que partenaires, nous ne bénéficions pas des 50 000 euros que le PS donne à ses candidats. » Pour lui, la campagne de terrain se résume à des « réunions Tupperware chez des militants », des tractages sur les marchés et à une dizaine d’invitations devant des sections PS à Aix, Miramas ou Marseille. Comme les représentants des autres candidats, l’UDE Christophe Madrolle salue l’organisation mise en place par la fédération des Bouches-du-Rhône « qui a associé très tôt les partenaires que nous sommes ».

« Inquiétude sur la participation »

Un comité de 19 personnes, équilibré entre territoires et représentants des ténors locaux, s’articule autour de Jean-David Ciot, premier secrétaire fédéral. Le député d’Aix-en-Provence affiche son soutien à Manuel Valls – « parce que je me sens comptable de ce qui a été fait pendant ce quinquennat », explique-t-il – mais entend aussi les critiques qui visent les socialistes. Ce bruit de fond fait naître chez lui une « inquiétude sur la participation ». D’autant que dans les Bouches-du-Rhône, le PS, miné par les affaires et battu dans toutes les grandes élections depuis 2014, a vu son nombre d’élus et d’adhérents fondre. « Les gens sont dubitatifs parce qu’ils n’ont pas l’impression de choisir un candidat qui sera au second tour de la présidentielle », concède le député.

Au 1er tour de la primaire socialiste de 2011, 70 000 personnes ont voté dans les Bouches-du-Rhône, plaçant François Hollande (36,38 %) et Martine Aubry (28,36 %) largement en tête. Depuis, la primaire de la droite, avec ses 117 000 électeurs, a hissé la barre très haut. Le PS ne toilette qu’à la marge le dispositif établi il y a cinq ans : 88 sites de vote – dont 16 à Marseille – et un nombre de bureaux porté de 222 à 249. « Les camarades pensent que cela évitera les engorgements », explique Jean-David Ciot.

« Des bandes de copains qui se battent »

« On est à l’aveugle sur la participation, complète Christophe Madrolle. Sur les marchés, dans la rue, les gens ne refusent pas de dialoguer, mais on sent leur rancœur, leur colère contre le PS et François Hollande… Beaucoup nous renvoient dans la figure qu’ils voteront Mélenchon, pour les plus anciens, ou Macron, pour les jeunes. » « Alors que le PS est en grande difficulté, cela rend encore plus dommageable le manque de responsabilité de certains de nos grands élus qui ne font pas la promotion de cette primaire », cingle, de son côté, Régis Corréard, assistant du député Patrick Mennucci et l’une des chevilles ouvrières de la candidature Peillon dans le 13.

La critique vise, entre autres, Samia Ghali, seule rescapée des sénatoriales au PS, un temps tentée par l’aventure Macron et qui a affirmé dans La Provence, que la primaire lui fait penser « à des bandes de copains qui se battent ». L’ancienne ministre Marie-Arlette Carlotti, Hollandaise convaincue, elle « attend le premier débat » pour annoncer sa préférence.
« On se trompe si on pense que les grands élus auront un impact », souffle la représentante de Benoît Hamon, Marion Pigamo. Pour elle, pas de doute, seuls les programmes feront la différence : « Sur le terrain, les gens me parlent du revenu minimum individuel ou du 49.3 citoyen que propose Benoît Hamon. C’est le seul à pouvoir rassembler fortement à gauche autour de lui. »

L’impact des débats nationaux

Chez Peillon, on table aussi sur l’impact d’idées marquantes : « Par exemple, le bouclier fiscal pour les plus modestes sur la taxe d’habitation. A Marseille, cela peut toucher beaucoup de monde : on met cela en avant », détaille Régis Corréard.

A Arles, tout à l’est du département, le représentant d’Arnaud Montebourg, Mohammed Rafaï, ancien conseiller régional proche de Michel Vauzelle, a tenu à lancer la campagne, samedi 7 janvier, par une « journée de mobilisation pour le vote ». Tous les grands élus de gauche du pays d’Arles sont venus poser pour la photo de famille, y compris le maire Hervé Schiavetti et le conseil départemental Nicolas Koukas, tous deux communistes. « C’est important que le terrain envoie ce message aux élus nationaux, car si la gauche ne se réunit pas après les primaires, elle est morte », jauge l’ancien élu régional. Comme les autres, Mohammed Rafaï guette l’impact des débats nationaux sur la population et voit la victoire de François Fillon comme un aiguillon pour les électeurs de gauche : « Dans la rue, les gens nous disent d’y aller, qu’on ne peut pas laisser le FN et Les Républicains seuls au deuxième tour. Avant Noël, j’avais le sentiment de ramer… Aujourd’hui, d’anciens camarades m’appellent pour savoir à quoi ils peuvent être utiles ».

Son optimisme résistera-t-il aux résultats du 22 janvier ? « Le vrai sujet de cette primaire, ce serait plutôt qui va rejoindre Macron au lendemain du 1er tour, ironise un des représentants des candidats… Suivant qui reste en course, cela risque d’être une véritable hémorragie ». Déjà, dans les Bouches-du-Rhône, certains militants socialistes s’activent pour la campagne de l’ex-ministre de l’économie.