725 enfants étrangers ont été accueillis par des familles françaises en 2016. | Erik De Castro / Reuters

« Nous avons changé d’époque » : le constat dressé par la mission de l’adoption internationale (MAI) du ministère des affaires étrangères est douloureux pour les candidats à l’adoption, mais il est clair. Selon les chiffres rendus publics jeudi 12 janvier, 725 enfants étrangers ont été accueillis par des familles françaises en 2016 (en dehors des adoptions en République démocratique du Congo, qui constituent un cas particulier). Un chiffre en baisse continue depuis six ans. Le recul est un peu moindre que les années précédentes (11 %), mais la tendance est nette et ne devrait pas s’inverser.

Les bébés de moins de 1 an, les plus désirés par les parents adoptifs, représentent moins de 10 % de ces enfants. Un quart a plus de 7 ans. Les deux tiers présentent des « besoins spécifiques » : ils sont âgés de plus de 5 ans, en fratrie, ou sont atteints d’une ou plusieurs pathologies.

Haïti arrive en première position pour le nombre d’enfants adoptés, puis viennent le Vietnam, le Colombie, la Thaïlande, et la Côte d’Ivoire. « L’Afrique et l’Asie sont quasiment à égalité, l’Amérique en progression, l’Europe toujours en recul », résume la MAI.

Cette baisse résulte d’une évolution qualifiée de « vertueuse » par le Quai d’Orsay. De plus en plus d’Etats ratifient la convention internationale de La Haye, dont l’objectif est de garantir que les adoptions ont lieu dans l’intérêt de l’enfant et de lutter contre les trafics. Le texte instaure un principe de subsidiarité : une solution locale doit d’abord être recherchée pour l’enfant abandonné par ses parents, soit dans sa famille élargie, soit par une adoption nationale. L’adoption internationale est le dernier recours.

Adoptions « plus éthiques »

« Les pays d’origine vérifient mieux l’adoptabilité des enfants », poursuit la MAI. Certains suspendent les adoptions le temps de mettre en place de nouvelles procédures, comme l’Ethiopie ou la Côte d’Ivoire, courant 2016. La fierté nationale entre également en jeu : des pays en développement économique ne veulent plus être des pourvoyeurs d’enfants pour les pays riches.

En parallèle, les priorités ont également changé en France. « Alors que dans les années 2000, la volonté des pouvoirs publics était de développer au maximum l’adoption internationale, sous la pression d’une forte demande, l’objectif est désormais d’aller vers des adoptions plus éthiques et juridiquement correctes », argumente le ministère des affaires étrangères. Mais vu la sensibilité du dossier, la procédure n’a pas été réformée. Le nombre d’agréments délivrés par les conseils départementaux a certes baissé, mais s’élève encore à 17 000.

La nouvelle orientation des autorités explique, selon la MAI, son refus de délivrer des visas à une cinquantaine d’enfants adoptés par des Français en République démocratique du Congo (tandis que 232 visas ont été accordés en 2016). Le document est indispensable pour autoriser l’entrée et le séjour de l’enfant en France et permettre la transcription de la décision d’adoption.

Plusieurs années d’attente en RDC

« Les dossiers refusés présentent un cumul de dysfonctionnements et de lacunes majeures, comme des états civils pas établis ou des consentements de parents donnés après le jugement d’adoption », affirme la MAI. Certains parents attendent depuis plusieurs années un enfant car la RDC a suspendu pendant trois ans les procédures en cours, officiellement dans le but de contrôler l’adoptabilité des enfants.

« Ils ont uniquement vérifié l’existence de jugements, affirme la MAI. Notre examen de ces dossiers a montré que la France n’aurait pas dû autoriser l’adoption en 2008 dans ce pays où l’état civil est inexistant. » Elle y est suspendue depuis le 1er janvier.

La situation est extrêmement difficile à vivre pour les parents concernés. « Le risque en cas de validation, c’est que l’enfant, devenu adulte, découvre l’existence de parents biologiques et conteste son adoption », fait valoir la MAI. Les familles peuvent désormais tenter des recours gracieux et devant le tribunal administratif.