Enrique Pena Nieto, président du Mexique, en août 2016. | ? Henry Romero / Reuters / REUTERS

A neuf jours de l’investiture du milliardaire républicain, le Mexique s’apprête à initier une relation nouvelle, complexe, avec son voisin du nord et principal partenaire commercial. « Il est évident que nous avons quelques divergences avec le prochain gouvernement des Etats-Unis, comme au sujet du mur que, bien entendu, le Mexique ne paiera pas », a insisté M. Peña Nieto, le président mexicain, devant les ambassadeurs mexicains réunis au palais national mercredi 11 janvier.

Quelques heures après la première conférence de presse du président américain élu, le président mexicain a ajouté que son gouvernement mènerait des négociations « ouvertes », où tout serait sur la table, qu’il s’agisse « de sécurité, d’immigration ou de commerce ». Mais il a prévenu qu’il n’accepterait rien qui aille contre son pays « et notre dignité en tant que Mexicains ».

Mur ou barrière

Le coût de la construction d’un mur frontalier --qui pourrait bien n’être au final qu’une barrière selon certains analystes- a été estimée à 25 milliards de dollars. M. Trump, qui entrera en fonction le 20 janvier, a assuré que les contribuables américains en financeraient la construction, mais que Mexico le rembourserait ensuite.

« Je pourrais attendre un an et demi, le temps d’achever les négociations avec le Mexique, que nous allons entamer juste après notre entrée en fonction, mais je ne veux pas attendre », a-t-il déclaré. « D’une manière ou d’une autre, et il y a plusieurs façons, le Mexique nous remboursera (...), que ce soit à travers une taxe ou un paiement, c’est moins probable que ce soit un paiement » a souligné M. Trump.

Donald Trump : « le Mexique remboursera » la construction du mur
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Si le magnat de l’immobilier n’a pas réitéré sa menace de ponctionner les envois d’argent des migrants mexicains installés aux Etats-Unis à leur famille au Mexique, M. Peña Nieto a néanmoins tenu à rappeler qu’il veillerait à protéger ce flux d’argent.

Taxe frontalière

La monnaie mexicaine a plongé de 0,9% après la conférence de presse du président américain élu, pour atteindre un nouveau plus bas historique à 22,20 pesos pour un dollar. M. Trump a également renouvelé son engagement d’imposer « une importante taxe frontalière » aux entreprises qui délocalisent, notamment au Mexique.

Le magnat de l’immobilier s’est félicité de l’annonce du constructeur automobile Fiat-Chrysler d’accroître ses investissements aux Etats-Unis, ainsi que de la décision de Ford d’annuler la construction d’une usine au Mexique pour un montant de 1,6 milliard de dollars.

Si le président Peña Nieto a indiqué que le Mexique était prêt à discuter du traité de libre-échange Aléna, il a souligné que son gouvernement s’opposerait à toute tentative d’influencer les investisseurs étrangers « par la peur ou les menaces ».

Stopper le trafic illégal

Passant à l’offensive, M. Peña Nieto a également adressé ses propres requêtes au futur gouvernement américain, lui demandant de stopper le trafic illégal d’armes en provenance des Etats-Unis, ainsi que les flux d’argent d’origine criminelle qui alimentent les cartels au Mexique. Malgré ces différends autour du mur frontalier, M. Peña Nieto s’est engagé à oeuvrer « pour avoir une bonne relation avec les Etats-Unis et son président ».

En vue de faciliter les relations avec l’administration Trump, le président mexicain a rappelé au gouvernement la semaine dernière son ancien ministre des Finances, Luis Videgaray.

Le nouveau ministre mexicain des Affaires étrangères avait dû démissionner du gouvernement en septembre, après avoir organisé la visite polémique à Mexico de M. Trump, dont la réthorique de campagne anti-migrants avait heurté les Mexicains.

Négociations « fascinantes »

Mais à l’heure d’entamer des négociations délicates, les contacts pris alors par M. Videgaray avec l’équipe Trump apparaissent comme des atouts. Videgaray « est un homme qui possède une vision stratégique, c’est un négociateur », a commenté Duncan Wood, directeur de l’institut mexicain au Wilson Center think tank à Washington.

Les négociations sur le mur et le traité de libre-échange Aléna prendront néanmoins du temps, voire des années, car elles devront être validées par le Congrès américain et impliqueront plusieurs pays, a rappelé M. Wood. Cela va être des négociations complexes, « fascinantes », prévoit l’analyste.

Luis de la Calle, un des négociateurs mexicains du traité de libre-échange Aléna en 1994, a souligné que beaucoup de sénateurs américains représentent des Etats qui exportent principalement vers le Mexique, tels que la Californie ou le Texas.

Le résultat des négociations aura, selon lui, un impact dans le monde entier. « Le Mexique doit le négocier comme un pays sérieux et responsable », a indiqué M. de la Calle à l’AFP, précisant que le gouvernement mexicain « doit être prêt à quitter la table des négociations en cas d’offre inacceptable des Etats-Unis ».