« Il est vraiment très injuste de dire que Malte est un paradis fiscal », a réagi Edward Scicluna, ministre des finances maltais, jeudi 12 janvier, après la publication, la veille, d’un rapport sans concessions des eurodéputés Verts au sujet de la fiscalité plus qu’accommodante du plus petit pays de l’Union européenne. Et de la zone euro.

Lors d’une rencontre avec les médias bruxellois à l’occasion du lancement de la présidence maltaise de l’Union européenne pour les six prochains mois, M. Scicluna a assumé le taux de taxation effectif de seulement 5 % que propose La Valette. « Nous ne nous en cachons pas et nous sommes d’ailleurs contre l’harmonisation fiscale en Europe », a déclaré le ministre.

Mais il a refusé pour autant que son pays soit rangé dans la catégorie des Etats peu coopératifs. « Pour être considéré comme un paradis fiscal, il faut remplir trois conditions : conserver un secret bancaire, disposer d’une taxation très faible et héberger l’argent caché de la corruption ou du terrorisme. Ce n’est pas notre cas, nous sommes très stricts sur la transparence », a encore expliqué le ministre des finances.

« Nous, nous n’avons pas de “rulings” »

Dans leur rapport, les Verts européens dénonçaient notamment un mécanisme permettant aux actionnaires des sociétés de trading installées sur l’île, et normalement taxées à hauteur de 35 %, d’obtenir un remboursement par l’Etat maltais à hauteur des 6/7es de leurs impôts versés. Le taux d’imposition effectif pour les bénéficiaires ultimes des sociétés tombe alors à… 5 %.

Ces facilités pour les multiples multinationales installées là-bas représentent un important manque à gagner pour l’Etat maltais qui, à en croire le rapport, n’a reçu ces trois dernières années que 200 millions d’euros de recettes fiscales par an. Sans cette possibilité de remboursement pour les actionnaires, il aurait dû percevoir entre 3,5 milliards et 4 milliards d’euros.

« Notre système de taxes fait partie de notre héritage britannique [Malte est toujours membre du Commonwealth], mais chez nous, ce que vous voyez [affiché], c’est ce que vous payez effectivement comme impôts. Nous, nous n’avons pas de rulings », argue encore M. Scicluna, faisant référence à ces accords jusqu’à présent secrets que signent les administrations fiscales et les multinationales et dont certains ont été dénoncés comme illégaux par Bruxelles (entre Apple et l’Irlande, Fiat et le Luxembourg, etc.)

Le pays va-t-il, pour autant, prendre le relais de la Commission européenne – comme il le devrait théoriquement, puisqu’il est chargé de la présidence de l’Union – et soutenir politiquement l’ambitieux agenda en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales de la Commission ? Pas sûr… Jeudi, M. Scicluna a parfaitement assumé les positions prises par son pays ces dernières semaines : il ne trouve pas que la proposition de la Commission d’instaurer une réforme de la taxation des profits des entreprises harmonisant les pratiques européennes soit bonne « pour les petits pays ». Idem pour la publication des profits des sociétés pays par pays, un exercice de transparence qui ferait, selon lui, « perdre de la compétitivité à l’Europe » et « le jeu de la Chine et de Singapour ».