Des militants socialistes se sont prêtés au jeu du (faux) vote devant une nuée de journalistes, au siège du PS, à Paris. | Guillemette Faure

Ils ont pris des figurants ! Pas des figurants de cinéma, mais des gens qui viennent jouer aux électeurs, à l’occasion de la présentation à la presse d’un bureau de vote de la primaire à gauche. « A voté ! Je vous remercie, à la semaine prochaine ! » Bien sûr, ceux qui comme moi participent à toutes les primaires savent que ça ne se passe pas de manière aussi lisse dans la vraie vie. Les électeurs ne font pas la queue les uns derrière les autres en regardant droit devant eux. On croise des voisins du quartier, des parents d’élèves de l’école… On se fait un petit sourire, en se demandant si on est là pour les mêmes raisons.

Dans la vraie vie, on ne trouve pas les gens sur les listes et on demande aux enfants de ne pas jouer avec le matériel de l’école. Surtout, dans la vraie vie, on n’a pas le choix entre Jean Jaurès, Léon Blum, Colette Audry et Louise Michel… Même si leurs noms suscitent plus d’intérêt que François de Rugy et Sylvia Pinel.

Cette fois-ci, ce sont les présidents de section qui jouent les électeurs et on s’entraîne avec les listes électorales d’un bureau de l’Ariège. C’est dire si c’est pour rire. « La perche ! La perche ! » « Le micro, s’il vous plaît ! », houspillent les photographes qui ne voudraient pas que trop d’outils journalistiques dans leur champ viennent gâcher cette mise en scène. Car voilà soudain Jean-Christophe Cambadélis qui vient voter. Il a de la chance, lui, d’avoir l’embarras du choix. « Léon Blum », promet le premier secrétaire du PS au nuage de journalistes, sans respect pour le secret de l’isoloir.

Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, a dit voter Léon Blum. Et le secret de l’isoloir ? | Guillemette Faure

On n’est pas seulement venu assister au triomphe de la gauche glorieuse dans une simulation. On attend la conférence de presse de Christophe Borgel, strauss-kahnien canal historique (MNEF), devenu mécano en scrutins et primaires. (Oui normalement, on dit une primaire au singulier, comme une présidentielle, mais depuis que le PS, en 2011, a acheté le nom de domaine Lesprimairescitoyennes.fr, ses organisateurs se sentent tenus d’y parler « des primaires » avec un « s », voire – pour éviter de heurter la langue française – de « ce grand rendez-vous démocratique »). Il présente le dispositif, les kits (des stylos, des marqueurs, des sacs poubelles) pour les 22 et 29 janvier. « On avait dit que nous n’aurions pas assez de bureaux de vote, on avait dit que nous n’aurions pas assez de volontaires… », rappelle-t-il, comme si le PS était le parti qu’on n’attendait pas.

Depuis le Brexit, la victoire de Trump, ou même celle de Fillon à droite, plus personne ne veut avoir l’air incontournable. Chacun se targue d’être celui qu’on n’a pas vu venir.

Après tout, sa primaire de 2011 a servi de canevas, y compris à la droite. Mais depuis le Brexit, la victoire de Trump, ou même celle de Fillon à droite, plus personne ne veut avoir l’air incontournable. Chacun se targue d’être celui qu’on n’a pas vu venir. Alors quand un journaliste lui demande pourquoi le nombre de bureaux de vote est passé de 9 200 en 2011 à 7 500, l’organisateur de la primaire l’explique simplement par des fermetures de bureaux sur les territoires où la gauche est en difficulté.

On l’interroge sur la bienveillance déclarée de Ségolène Royal pour Emmanuel Macron. Tout le monde a beau se donner du mal pour rendre la primaire intéressante, c’est ce qui se passe à l’extérieur qui passionne le plus. « Ségolène Royal dit qu’elle ira voter à la primaire, je n’ai pas besoin de plus », répond-il. Un journaliste voudrait savoir s’il s’attend à ce que des gens de droite viennent voter à la primaire à gauche. Il aurait pu trouver la réponse dans l’affichette du bureau de vote témoin qui interdit les pièces de un, deux et cinq centimes pour payer son euro de participation, signe que le parti attend au moins des taquins.

Les 22 et 29 janvier, sept autres noms seront inscrits sur les bulletins. | Guillemette Faure

À propos de cet euro, « quand on demande une participation pour la primaire, ce n’est pas pour avoir des moyens supplémentaires en vue de la présidentielle », assure Christophe Borgel. Ils n’ont pas le même problème que la droite, assure-t-il. « Nous, on est un parti bien géré. »

Après une question sur les bureaux de vote de Wallis-et-Futuna, on en vient à parler des débats, qui vont reprendre le format de la primaire de droite. « Quand vous êtes sept, vous n’avez pas le choix. Vous n’allez pas vous mettre à la file indienne ou en quinconce… L’imagination se heurte à des principes de réalité… » Raison de plus pour voter Léon Blum.