François Fillon et, à sa gauche, Luc Chatel, au congrès national du parti Les Républicains, à La Mutualité, à Paris, le 14 janvier. | THOMAS SAMSON / AFP

Un véritable rappel à l’ordre. François Fillon a enjoint à son camp de présenter un front uni autour de sa candidature à la présidentielle, samedi 14 janvier, alors que des critiques se sont fait entendre en interne autour de son projet jugé « brutal » et pas assez « social ». « Pas de calcul, pas de dispersion, pas d’ego, je n’ai qu’un mot d’ordre : unité et engagement total pour la victoire ! », a-t-il lancé devant les 2 000 membres du conseil national de son parti, réunis dans la salle parisienne de La Mutualité.

« Il m’arrive d’entendre certains à droite utiliser les mêmes mots que la gauche », a regretté M. Fillon, avant de lancer : « Que ma victoire ait pu décevoir certains, je puis le concevoir, mais j’attends de mon parti de la responsabilité et de la discipline. » Dans son viseur, les sarkozystes, comme Brice Hortefeux, Laurent Wauquiez et Christian Estrosi, qui ont chacun exprimé leur inquiétude cette semaine à propos de son programme, en appelant à l’amender pour lui donner une coloration plus sociale afin de ne pas s’aliéner l’électorat populaire.

Aigreurs internes

Toujours favori de la présidentielle mais en perte de vitesse dans les sondages, M. Fillon a tenté de calmer les aigreurs internes, en répondant sur le fond à son principal rival interne : Laurent Wauquiez. Alors que ce dernier a plaidé pour un retour des heures supplémentaires défiscalisées – un marqueur du quinquennat Sarkozy – le nouvel homme fort de la droite lui a de nouveau opposé une fin de non-recevoir. Soulignant que son projet « repose » sur la fin des 35 heures et « un allongement de la durée du travail », M. Fillon a expliqué son refus de « réintroduire la défiscalisation des heures supplémentaires », au motif que cela pourrait faire « disparaître » l’intérêt de négocier un allongement de la durée du travail. « Pour les salariés et même les entreprises, il vaudra mieux rester aux 35 heures et bénéficier des avantages fiscaux et sociaux dès la 36e heure… »

Autre fronde interne qu’il a tenté d’enrayer : celle des parlementaires cumulards, qui digèrent mal la volonté du candidat de ne pas abroger la loi instaurant le non-cumul des mandats à partir des élections législatives de juin 2017 et des sénatoriales de septembre. « Je ne reviendrai pas sur la loi sur le cumul des mandats », a-t-il réaffirmé, en expliquant son choix par sa crainte de froisser les Français, majoritairement favorables au non-cumul : « Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre que nous nous occupions de nous-mêmes au lieu de nous occuper d’eux ? »

Parmi les multiples orateurs qui se sont relayés à la tribune, seul Laurent Wauquiez a fait entendre une voix discordante, en exhortant le candidat de la droite à « revaloriser le travail ». « L’unité, ce n’est pas l’uniformité. Tu n’as pas besoin de clones ni de courtisans », a lancé l’ambitieux président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en direction de M. Fillon, en se posant une nouvelle fois en héritier de Nicolas Sarkozy.

« La dissidence, c’est une faute »

Même s’il a été très applaudi, M. Wauquiez est finalement apparu très isolé. Plusieurs ténors du parti l’ont appelé à rentrer dans le rang et à mettre un terme à son attitude frondeuse. « Ce n’est pas en allant critiquer publiquement le programme de notre candidat que nous réussirons à atteindre notre objectif de victoire », a rappelé Bernard Accoyer, secrétaire général des républicains et proche de M. Fillon. Ex-soutien d’Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin a abondé : « Le courage, c’est la loyauté. La dissidence, c’est une faute et cache la solitude derrière l’ambition ! » Le coup de grâce est venu de l’ex-sarkozyste Gérald Darmanin. « La défaite que nous pourrions avoir si nous étions désunis serait une grande défaite pour notre famille politique et un crime contre pays », a-t-il lancé, en rappelant à M. Wauquiez que « Nicolas Sarkozy n’a plus de directeur de campagne, plus de porte-parole, plus d’héritier ».

Encore une fois, François Fillon est resté inflexible dans son discours. Le rassemblement se fera sur sa ligne, libérale au niveau économique et conservatrice sur le plan des valeurs. « C’est l’échec actuel qui est brutal, ce n’est pas mon projet », a-t-il lancé en refusant une nouvelle fois d’adoucir ses propositions, de se laisser aller aux « zigzags » ou à la « camomille », selon ses termes. « Evidemment, nous pourrions, comme la gauche, mettre en sourdine la vérité, mettre l’intérêt national de côté, mettre de l’eau dans notre vin… mais ce serait de la lâcheté et vous n’êtes pas lâches. »

Devant les élus et les responsables de sa famille politique, M. Fillon a donc assumé l’ensemble des principales propositions de son programme de la primaire : économie de 100 milliards d’euros sur la durée du quinquennat, suppression de 50 0000 postes de fonctionnaires, allongement de la durée du travail, port de l’uniforme à l’école, quotas migratoires, strict contrôle administratif du culte musulman… « La souffrance ne fait pas une politique, mais le renoncement pas davantage », a-t-il tranché en reprenant les expressions et les promesses de sa campagne de l’automne : « Révolution du bon sens », « redressement national », faire de la France « la première puissance européenne dans dix ans »

Occuper le terrain

Deux jours après le premier débat entre les candidats de la primaire de la gauche, l’ancien premier ministre a durement jugé le niveau de ses adversaires : « Rien de nouveau, rien de sérieux pour répondre à l’urgence d’un pays qui décroche (…) Je vaincrai leurs mensonges, je vaincrai ceux qui prétendent réenchanter la France en lui jouant un air de pipeau. » Attentif à l’évolution de la campagne de la gauche, François Fillon occupe le terrain en attendant d’avoir le nom de son futur adversaire. Il tiendra d’ailleurs un grand meeting de campagne, le 29 janvier, jour du second tour de la primaire à gauche. En attendant, le candidat de la droite a appelé l’ensemble des forces de son parti à la mobilisation : « Je sais que vous serez en première ligne, je sais que c’est sur le terrain que la victoire à la présidentielle se jouera. »

Sobre, l’exercice a été plutôt réussi. Il reste toutefois quelques problèmes à régler pour mettre vraiment la droite en ordre de bataille. Même s’il ne cesse de répéter que son programme de la présidentielle sera le même que celui de la primaire, François Fillon va tout de même « l’enrichir » et le « préciser », selon les termes employés par ses conseillers. Sur le sujet brûlant de la Sécurité sociale, des consultations menées par Eric Woerth, Jean Leonetti et Hervé Gaymard vont avoir lieu à partir de lundi pour enfin caler les propositions du candidat.

M. Fillon réfléchit aussi à faire de nouvelles annonces pour donner un signe aux travailleurs et aux classes moyennes. La difficulté sera de contenter certains élus qui s’inquiètent des remontées de terrain sur la « brutalité » du programme, tout en ne donnant pas l’impression de se renier. Rien n’est non plus réglé avec les centristes, qui ne digèrent pas d’avoir seulement une cinquantaine de circonscriptions réservées pour les élections législatives. M. Accoyer a résumé l’enjeu : « Si notre candidat bénéficie d’une dynamique importante, la route est encore longue et piégeuse jusqu’à l’élection présidentielle. »