Le joueur du PSG Handball, Nikola Karabatic, lors d’un match de Ligue, à Montpellier, en octobre 2015. | SYLVAIN THOMAS / AFP

Salle comble. Mercredi 11 janvier, le championnat du monde masculin de handball a pulvérisé le record d’affluence pour un match de cette discipline à l’AccorHotels Arena de Paris. Pas moins de 15 700 spectateurs ont assisté à la victoire de l’équipe de France face au Brésil (31-16). Et ce n’est pas fini, si l’équipe nationale se qualifie pour les huitièmes de finale, qui se tiendront à Lille au stade Pierre-Mauroy, pas moins de 27 000 spectateurs pourraient assister à un match de handball !

Entre 2001, date du précédent championnat du monde organisé sur le territoire, et cette année, la discipline est entrée dans une toute nouvelle dimension. En témoigne la décision de la maison d’édition italienne Panini de commercialiser, pour la première fois, un album de vignettes consacré à cette discipline.

« Entre les résultats de l’équipe de France et l’engouement des jeunes – notre cœur de cible – pour les sports en salle, nous avons voulu tenter un pari pendant cet événement », confie Isabelle Fillon, la patronne de Panini en France.

Au coude-à-coude avec le basket-ball pour devenir le troisième sport collectif dans le cœur des Français, après le football et le rugby, le handball profite des médailles de ses équipes nationales. Avec 550 000 licenciés (contre plus de deux millions pour le football), le sport est devenu incontournable. Le chiffre d’affaires du secteur est évalué à quelque 160 millions d’euros par la Fédération française des industries du sport et loisirs (Fifas).

« Six nouveaux contrats »

Une bonne moitié de cette somme est constituée des budgets des clubs professionnels. Le reste, du marché des vêtements et chaussures de sport et de la pratique amateur. C’est encore loin du football ou du rugby, mais le secteur est en forte croissance depuis dix ans.

« En dix ans, les sommes apportées par nos partenaires privés ont triplé »

« Les résultats de l’équipe de France ont, ces dernières années, permis au handball d’exister médiatiquement, insiste Jean-Pierre Feuillan, le vice-président de la Fédération française de handball chargé du marketing. Pendant les Jeux olympiques de Rio ou de Pékin, les matchs ont enregistré des audiences de 10 millions à 12 millions de téléspectateurs [dans l’Hexagone] ! »

Cela a attiré les sponsors. « En dix ans, les sommes apportées par nos partenaires privés ont triplé, à 9 millions d’euros », poursuit le dirigeant.

« Ces six derniers mois, la Fédération a décroché six nouveaux contrats, souligne Virgile Caillet, délégué de la Fifas. Quand Renault, la Caisse d’épargne ou Lidl mettent en valeur [ce sport], cela se voit au niveau national. »

Arrivée des Qataris

Au niveau professionnel, la Ligue nationale de handball a également apporté son écot. Elle a progressivement rattrapé son retard sur le championnat allemand, le berceau de la discipline et la référence en Europe. « Le budget moyen d’un club professionnel en France est de 4,7 millions d’euros, c’est au niveau de ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne », souligne Etienne Capon, le président de la Ligue.

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En France, cette dernière a surtout bénéficié de l’arrivée du Qatar, qui a racheté et transformé le Paris Handball en PSG Handball, en le dotant d’un budget stratosphérique pour la discipline : 17,4 millions d’euros cette saison. C’est le premier budget en Europe, loin devant l’allemand de Kiel, qui atteint 9,5 millions d’euros.

Les Qataris ont permis de rapatrier en France de nombreux ­internationaux, dont les Français Daniel Narcisse, Nikola Karabatic ou Thierry Omeyer – considérés comme les meilleurs joueurs mondiaux à leur poste –, ainsi que le champion olympique danois Mikkel Hansen ou le champion d’Europe allemand Uwe Gensheimer. Avec des salaires astronomiques pour la discipline. Nikola Karabatic toucherait 90 000 euros brut mensuels, ­selon L’Equipe ­magazine, alors que le salaire moyen d’un handballeur est de 7 000 euros brut par mois.

Imiter l’Allemagne

Hors PSG, les autres équipes résistent tant bien que mal. Montpellier, le club qui a régné sur la discipline avant le PSG, a réussi à attirer, en 2014, une quinzaine d’entrepreneurs régionaux pour regonfler son budget (autour de 7,2 millions d’euros, cette saison). Dans d’autres villes, ce sont de gros entrepreneurs locaux qui tentent l’aventure du handball, bien moins coûteuse que le football ou le rugby.

Au niveau national, la Ligue diversifie aussi ses revenus pour aider ses clubs. Lidl sponsorise le championnat contre un chèque de 1 million d’euros, tandis que la chaîne BeIN Sports paie 4 millions d’euros par an pour retransmettre les matchs de la Ligue sur ses chaînes. La somme a beau être 2,5 fois plus importante qu’en 2011, date du précédent contrat, le handball reste à la traîne. Le football touche, par exemple, 748,5 millions d’euros par an de droits télévisuels…

« Les résultats de l’équipe de France ont, ces dernières années, permis au handball d’exister médiatiquement »

A l’avenir, pour développer les ressources de ses clubs, la Ligue veut imiter l’Allemagne. « Chez nous, les principales ressources de nos clubs, ce sont les sponsors – notamment régionaux – et les recettes de billetterie, le soir de match, indique Björn Pazen, un journaliste allemand spécialisé dans la discipline. A Kiel ou Manheim, les matchs se jouent à guichets fermés devant plus de 10 000 spectateurs… »

« Tous les atouts pour réussir »

« [En ce qui concerne les sponsors], nous espérons que les nouveaux partenaires qui soutiennent le championnat du monde s’engageront de manière plus pérenne dans les clubs professionnels, indique Etienne Capon. De plus, pour attirer les spectateurs, il faut des salles de taille suffisante. »

Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Cesson, près de Rennes, Tremblay (Seine-Saint-Denis) ou Nantes attendent leur nouvel écrin pour satisfaire entre 5 000 et 10 000 personnes.

« Aujourd’hui, le handball dispose de tous les atouts pour réussir : un championnat compétitif, le meilleur joueur [de la planète] et une équipe de France qui brille, assure Virgile Caillet. Le Mondial, qui devrait attirer 500 000 spectateurs, peut être un accélérateur important pour la discipline. »

« Si l’équipe nationale perd, la ­discipline risque de retomber dans un anonymat relatif, prévient ­cependant Jean-Pascal Gayant, économiste du sport à l’université du Maine. Et puis, l’affaire des paris truqués sur le match Cesson-Montpellier, en 2012, est un poison lent, qui risque de freiner, à l’avenir, le développement [de ce sport]. »