Lundi 16 janvier, Paris devient pleinement une zone de circulation restreinte. La première en France. Tout véhicule à moteur – voiture particulière, utilitaire, camion, bus, moto, scooter, etc. – qui n’arbore pas sur son pare-brise ou sa fourche un certificat qualité de l’air ou Crit’Air, pourra se faire arrêter, si ce n’est verbaliser. Cette vignette témoignant du niveau de pollution de son véhicule est désormais obligatoire pour circuler dans la capitale, que l’on soit Parisien ou de passage.

  • Interdictions de circulation

Les véhicules interdits depuis le 1er juillet 2016, à savoir les voitures individuelles – essence comme diesel – mises en circulation avant le 1er janvier 1997, les utilitaires légers immatriculés avant le 1er octobre 1997, ainsi que les deux-roues motorisés antérieurs au 1er juin 2000, ne peuvent définitivement plus rouler dans Paris du lundi au vendredi, de 8 heures à 20 heures. Tous comme les bus, cars et poids lourds d’avant le 1er octobre 2001 – écartés par la municipalité depuis le 1er juillet 2015 – de 8 heures à 20 heures, sept jours sur sept.

Les automobilistes qui dérogeront à ces règles seront passibles d’une contravention de 3e classe, soit 65 euros pour les voitures individuelles et 135 euros pour les poids lourds. Pour l’heure, le contrôle est visuel. La municipalité travaille cependant avec l’Etat à la possibilité de mettre en place un système de lecture optique.

  • Les vignettes Crit’Air

A ce jour, 533 540 véhicules franciliens sont équipés d’un Crit’Air, dont 200 000 parisiens, alors que 600 000 véhicules circulent dans Paris. Il est toujours possible de les commander au prix de 4,18 euros (prix d’envoi inclus), sur le site www.certificat-air.gouv.fr. Les souscriptions ont cependant fortement augmenté ces dernières semaines, et les services du ministère de l’environnement ont accusé du retard dans l’envoi des vignettes. Ce sont 1,4 million de vignettes qui ont été commandées en France.

Un certain nombre de conducteurs, bien qu’en ayant fait la demande, n’ont toujours rien reçu. L’absence de macaron ne sera toutefois pas sanctionnée dans l’immédiat. Le décret qui fixe le montant de la contravention est attendu d’ici le printemps.

Pour l’heure, seuls les voitures, camions et deux-roues les plus anciens ne pouvant même pas prétendre à une vignette antipollution sont concernés par les restrictions de circulation. Mais celles-ci sont appelées à s’étendre progressivement à d’autres véhicules. Le plan antipollution de Paris s’étale en effet sur plusieurs années.

A compter du 1er juillet, ce sont les Crit’Air 5, soit les poids lourds Euro 3 (immatriculés avant octobre 2006) et les véhicules particuliers et utilitaires diesel Euro 2 (d’avant janvier 2001) qui seront à leur tour concernés. De 2018 à 2020, d’autres catégories seront encore visées. L’objectif de la maire de Paris, Anne Hidalgo, est d’« éradiquer » d’ici à 2020 les diesels, tout comme les véhicules essence polluants.

  • Objectifs attendus

La maire de Paris veut ainsi lutter contre la pollution chronique qui empoisonne les habitants. Ce sont 1,6 million de Franciliens, dont un Parisien sur deux, qui sont toujours exposés à des concentrations en polluants dépassant les seuils limites réglementaires européens. Cette pollution de l’air provoque chaque année 2 500 décès prématurés dans la capitale et 6 500 dans la métropole.

Selon Airparif, l’observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France, les premières interdictions de circuler devraient entraîner une baisse des émissions de 5 % pour les oxydes d’azote (NOx) et de respectivement 3 % et 4 % pour les PM 10 (particule d’un diamètre inférieur à 10 microns) et les PM 2,5 (d’un diamètre inférieur à 2,5 microns). « La mise en œuvre de la ZCR [zone de circulation restreinte] est globalement favorable, son impact étant supérieur à ce que représentent, en termes de kilomètres parcourus, les premiers véhicules concernés par les restrictions de circulation (2 %) », souligne Airparif dans son étude prospective publiée en octobre 2016.

Lorsque, à la liste des véhicules interdits de circulation, s’ajouteront les Crit’Air 5 (3 % des kilomètres parcourus), la diminution des émissions devrait atteindre 15 % pour les NOx, et respectivement 8 % et 11 % pour les PM 10 et les PM 2,5.

Le Crit’Air sera aussi utile en cas de pics de pollution. Avec ces pastilles, les pouvoirs publics pourront remplacer la circulation alternée, qui ne permet pas de cibler les véhicules les plus polluants, par des restrictions de circulation différenciées et progressives, en ne laissant rouler que les véhicules électriques et de normes Euro récentes. Que l’on soit en situation de pic ou non, les véhicules électriques, ceux qui circulent au gaz et certains hybrides, dès lors qu’ils arborent ce macaron, bénéficient aussi du stationnement gratuit.

  • Zones basse émission

Paris est la première ZCR en France qui concerne l’ensemble des véhicules. Depuis le 1er janvier, Grenoble a instauré une telle zone, mais celle-ci ne s’applique pour l’heure qu’aux véhicules transportant des marchandises. Tout comme Lyon, Grenoble se sert aussi des Crit’Air pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants, de tous types, pendant les épisodes de pollution. Neuf autres agglomérations doivent prochainement leur emboîter le pas.

« La France commence à rattraper le retard qu’elle a pris sur les autres villes européennes », observe Lorelei Limousin du Réseau action climat France (RAC), qui rappelle que plus de 210 territoires européens, à travers une dizaine de pays, ont instauré une telle zone à basses émissions. La Suède a été la première à expérimenter, en 1996, ce type de mesure. Depuis le milieu des années 2000, d’autres, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, ont suivi.

« La mise en œuvre d’une zone à basse émission a des effets positifs sur les émissions de polluants locaux et à terme sur les gaz à effet de serre. Cette mesure n’est toutefois pas suffisante. Il est nécessaire de l’inscrire dans un cadre plus large d’actions et d’agir sur tous les leviers pour réduire le trafic routier, relève Lorelei Limousin. Il faut développer transports en commun, covoiturage, parkings-relais, aménagements piétons et cyclables… et repenser l’organisation de la ville pour diminuer les distances parcourues et réaffecter l’espace public à d’autres modes de déplacement que la circulation automobile », insiste-t-elle.

Pour le RAC, les villes doivent aller jusqu’à planifier la sortie des énergies fossiles et promouvoir les « mobilités zéro émission », à l’instar d’Oslo. La capitale norvégienne prévoit, d’ici à 2019, de réduire de 20 % le trafic en son sein, et même d’interdire quasiment tous les véhicules particuliers, diesel et essence, de son centre-ville, dans l’objectif de diviser par deux, en 2020, ses émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre la neutralité carbone en 2030. Les villes françaises ont encore du chemin à faire.