Au 27e sommet Afrique-France, à Bamako, le 14 janvier. | STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

Dans son discours d’ouverture du 27e sommet Afrique-France, Ibrahim Boubacar Keïta, le président du Mali, hôte de cet événement organisé samedi 14 janvier à Bamako, n’a pas tari d’éloges sur le bilan africain de François Hollande. Il a notamment estimé que « quelque chose a changé dans les pratiques politiques de la France en Afrique ». Il aurait pu ajouter que le président français a lui-même changé son approche de ce continent et est devenu plus pragmatique en exerçant le pouvoir.

La grand-messe franco-africaine de Bamako a permis de mesurer le chemin parcouru par rapport au début de son quinquennat. En 2012, quelques mois seulement après son élection, François Hollande avait ainsi entretenu le suspense sur sa présence au sommet de la francophonie de Kinshasa. Le président fraîchement élu expliquait alors ses atermoiements par les libertés prises par le pouvoir de la République démocratique du Congo avec la démocratie.

Sur place, M. Hollande avait ostensiblement snobé le président, Joseph Kabila, et fait la leçon à ses homologues du Cameroun et du Congo-Brazzaville. Le président tchadien, autre chef d’Etat africain au pouvoir depuis plusieurs décennies, avait quant à lui préféré se faire porter pâle plutôt que d’entendre la leçon française.

Rien de tel, samedi, à Bamako vers laquelle avaient convergé pas moins de soixante délégations, dont trente-cinq conduites par des chefs d’Etat ou de gouvernements qui ne venaient pas seulement de l’ancien pré carré français de l’Afrique francophone. Les embrassades furent cordiales avec le patriarche des dirigeants africains, Teodor Obiang Nguema, assis depuis 1977 sur son fauteuil présidentiel équato-guinéen, ou chaleureuses avec le congolais Denis Sassou-Nguesso, réélu en 2016 au terme d’un scrutin taillé sur mesure.

Et si Ali Bongo Ondimba, reconduit à la tête du Gabon à l’été 2016, dans des conditions tout aussi douteuses, ne figure pas sur la traditionnelle photo de famille du sommet, c’est parce que cet amateur de football était reparti dans son pays après le dîner de gala de la veille au siège de la présidence malienne. Il est allé supporter ses « Panthères » qui jouaient le match d’ouverture de la Coupe africaine des nations, organisée cette année par Libreville. « Le pouvoir change les hommes », nous a glissé Ibrahim Boubacar Keïta.

Valeurs démocratiques

Il faut dire que quelques mois après la réunion de Kinshasa, début 2013, François Hollande dut gérer la crise des otages français enlevés au Cameroun. Puis il fallut engager les soldats français sur des théâtres de combat au Mali et en Centrafrique, et accélérer la lutte contre le terrorisme dans le Sahel avec le déploiement de l’opération Barkhane, dont le quartier général est à N’Djamena. Autant de crises dont la résolution nécessitait à ses yeux que les autocrates d’hier deviennent des alliés incontournables.

A Bamako, pourtant, il fut question de respect des valeurs démocratiques. Ce point s’est invité au sommet par le biais de la Gambie, petit pays anglophone où Yahya Jammeh, le fantasque et autocratique président au pouvoir depuis 1994, refuse de partir après avoir pourtant reconnu dans un premier temps sa défaite à la présidentielle du mois de décembre 2016. Exclu du sommet Afrique-France en raison de sa volte-face, il a été remplacé par Adama Barrow, convié par les organisateurs maliens à la dernière minute et dorénavant considéré comme « le président élu », selon les mots de François Hollande.

Adama Barrow devrait d’ailleurs prêter serment le 19 janvier. Où ? A Banjul, la capitale gambienne, ou bien à Dakar ? Mystère. La pression monte sur le président gambien mais personne ne parie sur l’attitude de l’imprévisible Yahya Jammeh alors que les pays ouest-africains membres de la Cédéao, réunis en marge du sommet de Bamako, n’excluent pas une intervention militaire pour faire respecter le résultat des urnes. « Tout doit être fait pour qu’Adama Barrow entre en fonctions le 19 janvier », a aussi martelé M. Hollande lors de sa conférence de presse finale.

La gestion du cas gambien incarne l’un des credos que le président français a de nouveau défendu lors du sommet et qu’il avait fixé comme l’un des axes de sa politique vis-à-vis du continent : la résolution des crises africaines par les Africains eux-mêmes. Au Mali, ce n’est pourtant pas encore le cas.

L’influence de la France, principalement par le biais de son déploiement militaire, continue d’être un facteur déterminant pour le maintien de la sécurité. Les forces spéciales, les gendarmes et autres hommes des services français étaient d’ailleurs omniprésents dans la capitale malienne. Le pays hôte avait aussi déployé tout ce qu’il compte d’hommes et de matériels dans la capitale.

Multilatéralisme

« C’est un succès », s’est félicité le président Hollande. En décembre 2013, lorsque le lieu avait été choisi à l’occasion du précédent sommet Afrique-France, à l’Elysée, cela relevait du « défi ». Selon lui, « le Mali a ainsi montré qu’il est sorti de la crise qu’il a connue ». Le pays était encore traumatisé par le choc de la double menace de mouvements sécessionnistes et récurrents des Touareg du Nord et de leurs alliés djihadistes qui, ensemble, contrôlaient déjà la moitié du pays et menaçaient de fondre sur la capitale. Il fallut alors l’intervention militaire française Serval, demandée par Bamako, cautionnée par l’Union africaine et les Nations unies, conformément au principe de multilatéralisme prôné par M. Hollande sur le sol africain, notamment.

Dans la version écrite de son discours distribuée à la presse, Ibrahim Boubacar Keïta notait que, sous M. Hollande, « la France et son armée ne seront jamais intervenues qu’au chevet de la démocratie en Afrique et non plus au secours de quelque autocrate ou despote ». Il biffa ce passage lors de son intervention à la tribune, sans doute pour préserver la susceptibilité de certains de ses homologues africains.

Il reste, comme le reconnut M. Hollande, que les militaires français (4 000 hommes déployés sur un terrain grand comme six fois la France partant du Mali jusqu’au Tchad) seront là pour « encore très longtemps ». La preuve, selon un officier français, que l’on peut « gagner la guerre mais pas immédiatement la paix ».