Le président élu Donald Trump, dans l’un des ascenseurs de la Trump Tower à New York, lundi 16 janvier. | DOMINICK REUTER / AFP

Arnaud Danjean est député européen Les Républicains, et un des meilleurs spécialistes des questions de défense et de sécurité au Parlement de Strasbourg. Il réagit aux déclarations de Donald Trump sur l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord) que le président élu américain qualifie d’« obsolète » et s’exprime sur la réaction que devraient avoir les Européens alors qu’ils ne peuvent plus compter sur la relation spéciale qu’ils entretenaient avec les Etats-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Les Européens ont relancé ces derniers mois leurs efforts pour une défense commune (essentiellement, davantage de moyens financiers). Cette réponse est-elle à la hauteur des enjeux que pose l’arrivée de Trump à la Maison Blanche ?

Arnaud Danjean : La réponse apportée jusqu’à présent est trop technique même si elle va dans le bon sens car elle témoigne d’une prise de conscience. Il y a un volontarisme politique nouveau qui est en train de naître, pour faire de la défense une priorité européenne, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’à présent et pour avancer vers plus d’autonomie stratégique. Mais en termes de mesures concrètes, on n’est pas encore dans le saut qualitatif qui permettrait de parler de véritable politique de défense commune, et de s’adapter à la recomposition stratégique opérée par Trump et Poutine.

Que faudrait-il mettre en œuvre pour être à la hauteur ?

Il faut évacuer les expressions stérilisantes sur l’« armée européenne », qui braquent encore bien des pays de l’Union. Il faut d’abord promouvoir un principe de flexibilité au niveau européen : ceux qui veulent s’associer pour une défense commune sont les bienvenus. Il faut qu’on explique que la « flexibilité » ne signifie pas l’exclusion ad vitam aeternam, mais que les Etats qui veulent aller plus loin en matière de défense commune doivent pouvoir le faire plus rapidement. Il faut avancer, même si c’est à quatre ou cinq.

Ensuite, il faudrait une initiative forte européenne dans chacun des domaines suivants : institutionnel, opérationnel, capacitaire. En gros, il faut que sur le plan capacitaire, on ait rapidement un ou deux programmes européens de défense qui se dégagent, car on sait que pour qu’ils voient le jour, quinze ou vingt ans de gestation sont nécessaires. Au niveau institutionnel, il faut qu’on se dote d’un embryon d’état-major européen.

C’est réaliste ?

Oui c’est jouable, ce n’est pas si compliqué à mettre en œuvre, il faut surtout de la volonté politique. Le troisième point, c’est la réponse opérationnelle. L’Allemagne augmente son budget militaire, et ne cesse de dire qu’elle se sent prête à assumer de nouvelles responsabilités. Très bien, parfait. Sauf que sur le terrain, on ne peut pas dire que cela se manifeste de manière très spectaculaire. On n’en est pas encore au point où les Allemands vont envoyer au Mali leurs forces spéciales pour suppléer l’opération « Barkhane ».

Il faudrait qu’on ait rapidement une opération militaire franco-allemande significative sur un des théâtres majeurs de conflits. Tant qu’on n’y sera pas parvenus, une « défense commune européenne » ne sera pas vendable aux opinions publiques. Cela n’est envisageable qu’à la fin de l’année 2017, après les échéances électorales françaises et allemandes. Il faudrait que cela fasse partie du débat de la présidentielle en France.

L’OTAN qualifié d’« obsolète » par Donald Trump, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Que veut-il dire vraiment, Trump ? Que les Etats-Unis, en tout cas lui, sont prêts à reconsidérer le lien transatlantique non pas dans une configuration de sécurité collective mais dans des configurations bilatérales, puisqu’il ne cesse de vanter la relation Royaume-Uni - Etats-Unis. Je crains qu’il ne renégocie des formes d’allégeances individuelles avec des Etats européens intéressés et, malheureusement, certains pays pourraient y trouver leur compte.

Spontanément, on a l’impression que les déclarations outrancières de Trump fragilisent le lien transatlantique et donc favorisent la prise de conscience des Européens qu’ils doivent faire des choses entre eux. Sauf que certains pays centre-européens disent : Trump veut remettre en cause l’architecture de l’OTAN, mais nous comptons toujours sur eux [pour nous protéger]. Cela conduirait à un détricotage de l’OTAN qui serait le pendant du détricotage de l’Union…