La succession d’attentats qui ont été commis en France depuis deux ans n’a pas accentué de manière significative les préjugés et les opinions négatives sur les différentes minorités ou les immigrés dans le pays. C’est la première conclusion de la seconde vague de l’étude réalisée par l’institut de sondage Ipsos pour la Fondation du judaïsme français sur « L’évolution de la relation à l’autre au sein de la société ». Elle a été conduite du 4 au 14 novembre 2016 auprès d’un échantillon représentatif de 1 005 personnes de 18 ans et plus.

Cette enquête, dont la première version avait été réalisée en juillet 2014, a pour particularité de ne pas cibler une minorité en particulier, religieuse ou d’origine, mais d’essayer de donner une vision globale des opinions en fonction des origines ou des religions.

Revoir la vidéo sur les changements psychologiques dans la société française après le 13 novembre 2015 :

Les attentats du 13-Novembre ont changé la psychologie en France
Durée : 10:23

Une très large majorité (76 %) des sondés jugent qu’« en France il fait bon vivre » et huit sur dix disent aimer leur quartier. Si les trois quarts des personnes interrogées disent fréquenter des gens n’ayant pas la même religion, la même origine ou la même couleur de peau qu’eux, cette proportion est en recul de 6 à 7 points par rapport à 2014. La part de ceux qui disent entretenir de bons rapports avec des Asiatiques, des Maghrébins ou des Subsahariens est stable, entre 56 % et 68 %, et elle progresse envers les Roms, à un bas niveau cependant (28 %, + 13 points).

La part de ceux qui disent entretenir de bons rapports avec des Asiatiques, des Maghrébins ou des Subsahariens est stable

La même stabilité est enregistrée pour les relations avec des personnes de différentes confessions, tandis que les opinions critiques envers l’immigration sont quasi stables. « Sur beaucoup d’indicateurs, note Brice Teinturier, d’Ipsos, il y a une stabilisation. La méfiance et le repli sur soi existent, mais on ne constate pas une hausse des opinions racistes ou anti-immigrés. »

La perception des musulmans, en général, ne se dégrade pas. C’est le cas en ce qui concerne le contact dans la vie de tous les jours : 61 % (+ 1 point) des sondés entretiennent de bonnes relations avec les « personnes de confession musulmane » dans leur vie quotidienne, contre 16 % de mauvaises (+ 2 points). C’est aussi le cas pour ce qui est de leur degré d’intégration, même si un quart des personnes interrogées (contre 2 % à 6 % pour les catholiques, les protestants, les bouddhistes ou les juifs) continuent de penser que « la grande majorité est mal intégrée » (− 3 points).

Réticences sur la visibilité de l’islam mais acceptation du voile

En revanche, la visibilité de l’islam dans l’espace public provoque davantage de réticences. La proportion de personnes favorables à la construction de mosquées recule (45 %, − 8 points) tout comme progresse l’hostilité aux « tenues traditionnelles musulmanes » pour les hommes (52 %, + 4 points) et au voile intégral pour les femmes (87 %, + 4 points).

A noter, cependant, que l’acceptation des mères voilées lors des sorties scolaires progresse (32 %, + 6 points) et que le rejet du voile simple pour les femmes recule (46 %, − 3 points). Pour Brice Teinturier : « La figure symbolique de l’homme musulman apparaît spécifiquement porteuse de menaces. » En témoignerait aussi le recul de l’acceptation du mariage de sa fille avec un homme musulman (42 %, − 2), à rebours de la tendance générale sur toutes les minorités testées dans le questionnaire, et à l’opposé de l’opinion sur le mariage d’un fils avec une musulmane, dont l’acceptation progresse (51 %, + 3). Le constat de recul est également de mise en ce qui concerne l’acceptation d’un mariage avec un homme d’origine maghrébine (47 %, − 6).

Pour 51 % des sondés, « lorsqu’on est juif, il existe des raisons d’avoir des craintes de vivre en France »

A l’égard de la communauté juive, la tuerie de l’Hyper Cacher, en janvier 2015, semble avoir infléchi la perception de l’opinion. Après l’assassinat de quatre personnes, dont trois enfants, par Mohamed Merah dans une école juive de Toulouse, en 2012, la communauté juive avait eu le sentiment que la dimension antisémite de la tuerie n’avait pas été pleinement perçue. « Cette fois, quelque chose a évolué », note Brice Teinturier. Désormais, 51 % des sondés (+ 16 points) estiment que « lorsqu’on est juif, il existe des raisons d’avoir des craintes de vivre en France ».

Le plus grand nombre de départs de juifs pour Israël a été perçu et mis davantage (+ 29 %) sur le compte de la crainte de la montée de l’antisémitisme (70 %). Pourtant, seul un tiers des personnes interrogées juge que ces départs sont « une mauvaise chose », 60 % estimant que c’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Du reste, les préjugés antisémites demeurent à un niveau élevé, même si certains reculent un peu.