« Je viens de finir de regarder le match des chiens ! », lâche Saad, au bord des larmes, à un ami au téléphone, visiblement aussi déçu que lui. Le Maroc a vibré, espéré, mais il a perdu. Et les noms d’oiseaux fusent dans ce bar de Casablanca, dans la rue, et même sur les réseaux sociaux. Cibles favorites : l’entraîneur français Hervé Renard et Youssef Al-Arabi, entré en jeu dans le dernier quart d’heure et malheureux sur une occasion de but à la 87e minute.

Pour leur entrée en matière face à la République démocratique du Congo (RDC), lundi 16 janvier, les Lions de l’Atlas se sont heurtés à des Léopards plus réalistes. Casablanca ressemble à une ville morte. Ceux qui ne captent pas BeIn Sports, la chaîne sportive qatarie, se sont donné rendez-vous dans les troquets de la ville pour suivre entre amis le premier match du Maroc, en ce début de Coupe d’Afrique des nations au Gabon.

Rassemblés autour d’une table haute, Mehdi, Hicham et Mohammed suivent distraitement les passes en devisant. « T’as suivi l’élection du président du Parlement ? », coupe l’un des convives en se versant un ballon de vin rouge. « Oui, juste avant le coup d’envoi », s’amuse un autre en croquant une olive.

« Y a plus qu’à sortir les calculatrices »

Dans le bistrot étroit, une majorité d’hommes et quelques rares femmes, installées à l’étage, plus discret. Le match débute sur les chapeaux de roue. Al-Kaddouri, joker de luxe, trouve la barre transversale. Même stérile, la première demi-heure est totalement à l’avantage des Marocains, qui se mettent à espérer.

Mi-temps. Il faut oublier cette première période fade et qui donne soif. Une anisette pour Hicham, qui conteste la dose d’alcool et une pizza à partager pour tuer le temps. « Pourquoi n’a-t-il pas sélectionné Hakim Ziyech ? », s’agace Mehdi. « Il » apparaît sur les trois écrans du bar : Hervé Renard. Le sélectionneur français de l’équipe nationale marocaine a préféré se passer des services du milieu de terrain (23 ans) de l’Ajax Amsterdam. C’était avant la cascade de blessures des dernières semaines qui ont immobilisé quatre joueurs de la sélection.

Chemise blanche impeccable, cheveux au vent, le sélectionneur des Lions de l’Atlas a remporté deux fois la CAN, en 2012 avec la Zambie et en 2015 avec la Côte d’Ivoire. Mais il agace aussi par sa communication et sa distance avec le public : 34 millions de techniciens de comptoir, qui râlent à chaque déconvenue des vert et rouge. « Les joueurs ne se parlent même pas. On voit bien qu’ils ne forment pas un groupe uni », se désole Mohammed.

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A la 55e minute, les Léopards marquent. Sur un débordement de Mubele, Kabananga surgit. But ! Dans le bar, le silence, entrecoupé d’insultes. Trois changements, un carton rouge qui ramène les Congolais à 10 et encore des occasions manquées. Heureusement, le calvaire prend fin. Coup de sifflet : 0-1. Les Lions sont derniers de leur groupe C. « Comme d’habitude, on perd. Il ne reste plus qu’à sortir les calculatrices et à espérer. Il y en a marre ! », maugrée Saad.