La « une » du « Guardian », le 18 janvier, au lendemain du discours de Theresa May sur le « Brexit ».

Plus question d’entretenir le flou, la rupture entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) sera « claire et nette ». Dans un long discours, mardi 17 janvier, la première ministre britannique, Theresa May, a lancé l’offensive d’un « Brexit » qu’elle veut « dur ». « Nous n’aurons pas un pied dedans, un pied dehors. Nous ne cherchons pas à garder des morceaux de notre adhésion », a-t-elle lancé sans détour, avant d’assurer que l’une de ses priorités était de « sortir du marché unique ».

Lire l’éditorial du « Monde » : Un Brexit dur… pour les Anglais

Un discours « doublement déprimant » a commenté The Guardian, quotidien britannique de centre gauche qui s’est ouvertement prononcé pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Dans son éditorial, le journal estime que l’intervention de Mme May a, d’une part, brisé tous les espoirs de ceux qui espéraient encore rester dans le marché unique et dans l’Union, et, d’autre part, rappelé que cette sortie mettait notamment « en péril les valeurs et les alliances » que l’UE avait tissées.

The Guardian estime par ailleurs que la question de l’immigration – « soigneusement placée au milieu du discours pour ne pas paraître trop provocatrice » – a été « le point de départ » de cette décision politique. Selon Theresa May, le Brexit « doit signifier le contrôle du nombre de personnes venues d’Europe au Royaume-Uni ». C’est précisément la raison pour laquelle le pays va quitter le marché unique, estime The Guardian, puisque « la libre circulation est l’un des piliers de ce marché ».

Fin de « l’ambiguïté »

Un avis que le New York Times partage. Selon le quotidien américain, quitter le marché unique signifie « quitter la caractéristique centrale de l’effort historique qui a été fait pour éliminer toutes les barrières au commerce à travers l’Union et soutenir la libre circulation des biens, des services et – ce que seul le Royaume-Uni ne pouvait avaler – les gens ».

Toutefois, l’éditorial du journal souligne que ce discours aura eu le mérite de mettre fin à « l’indécision » et à « l’ambiguïté » affichées jusqu’à présent par la première ministre concernant le Brexit. « Il est essentiel de s’assurer que ce divorce extraordinairement complexe cause le moins de dommages possibles aux relations économiques et politiques à long terme entre la Grande-Bretagne et le continent. Le discours de Mme May doit donc être salué pour avoir expliqué les intentions de son gouvernement sur cette question fondamentale avant de déclencher formellement le processus de sortie », qu’elle lancera au mois de mars et qui doit durer deux ans, fait valoir le New York Times, qui prévient : « Tout cela peut être difficile à accepter pour l’Union. »

« Un Brexit extrême, dommageable et antidémocratique »

Plus critique, The Independent estime dans un éditorial que Theresa May « promet un Brexit extrême, dommageable et antidémocratique ». Le quotidien de centre gauche dresse un portrait noir ce que va devenir le Royaume-Uni après le Brexit. « En une dizaine d’années, la ville de Londres, les industries automobile et pharmaceutique, l’agriculture et notre industrie agroalimentaire – pour prendre les exemples les plus flagrants – subiront une perte progressive d’investissements, une perte d’emplois, une perte de rentabilité et donc une perte de prospérité pour des millions de familles britanniques », déplore-t-il, avant d’asséner : « La Grande-Bretagne va essayer de devenir la Singapour de l’Europe. »

Pour l’hebdomadaire The Economist, Theresa May veut simplement sortir coûte que coûte de l’UE, quitte à ce qu’il n’y ait pas « de période de transition formelle. Il y aura, en fait, une sorte de falaise. Cela reflète deux réalités auxquelles les décideurs au Royaume-Uni et sur le continent doivent maintenant s’habituer. Premièrement, Mme May interprète sans équivoque le vote pour le Brexit comme un vote pour une immigration plus faible, même au prix d’une certaine prospérité. (...) Deuxièmement, (...) il semble que Mme May n’accorde pas une grande importance au résultat des négociations. Elle veut un accord de libre-échange global basé sur celui signé récemment entre l’UE et le Canada. Mais là où le CETA a pris environ sept ans pour se négocier, elle s’en permet deux ». Et le quotidien économique de conclure : « En bref, elle fera de son mieux, mais si les pourparlers arrivent à pas grand-chose ou à rien, qu’il en soit ainsi. »

« La nouvelle dame de fer »

Le quotidien de centre droit The Times a de son côté choisi de mettre l’accent sur ce bras de fer qui s’engage entre Londres et Bruxelles, avec un titre provocateur : « Donnez-nous un bon accord ou soyez écrasés. » « Pas d’accord avec l’UE sera préférable à un mauvais accord », a en effet menacé Theresa May à la fin de son discours, en prévenant ceux qui veulent « punir » le Royaume-Uni qu’ils commettraient un « acte calamiteux d’automutilation ». Avant de menacer : « La Grande-Bretagne pourrait réduire les taux d’imposition pour attirer des entreprises du continent, tandis que le manque de flexibilité de Bruxelles risquerait de briser en petits morceaux le projet de l’UE. »

Suffisant pour que le Daily Mail, tabloïd eurosceptique, choisisse de présenter sur sa « une » Theresa May comme « la nouvelle dame de fer », piétinant la tête haute le drapeau européen sous un Union Jack flottant fièrement.

Seul l’hebdomadaire The Spectator se montre – un peu – plus optimiste : « Personne n’a jamais douté que le Brexit puisse offrir des opportunités. La question est de savoir si ces opportunités compensent les inconvénients du départ. Espérons qu’ils le fassent. »

La Une du Daily Mail, le 18 janvier, au lendemain du discours de Theresa May sur le Brexit.